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Réputée pour sa discrétion, la Fondation Hans-Wilsdorf, propriétaire de Rolex, semble dorénavant donner plus de visibilité aux projets qu’elle soutient. Exemple: le pont des Vernets, le soutien au Servette FC, la renaturation de la Seymaz. S’agit-il d’un changement de politique?
Non. Nous n’avons pas modifié la stratégie initiée par le fondateur. Depuis le 1er août 1945, et selon les vœux de celui qui, ne laissant pas d’enfants, a voulu cette fondation, le but premier est le même: assurer la pérennité du groupe Rolex. Et d’ailleurs, il est important de souligner que, sans elle, Rolex n’existerait plus depuis longtemps.
Il n’empêche. La discrétion était de mise. Ce n’est plus, ou moins, le cas.
Il est vrai que nous avons modifié notre information. Auparavant, la Fondation souhaitait garder l’anonymat et demandait cette discrétion aux institutions bénéficiaires. L’idée était que nous n’avions pas, parce que nous détenons des moyens financiers, à nous mettre en avant. La volonté du fondateur était en deuxième lieu d’assurer une mission d’utilité publique dans les domaines les plus variés, social surtout, mais aussi culturel, éducatif, sportif (sans toutefois se substituer aux obligations de l’Etat). Dans ce domaine, nous avons constaté depuis quelque temps que certains (les autorités de la Ville en particulier) avaient tendance à s’approprier la réalisation de projets accomplis avec notre soutien, sans même mentionner l’apport d’un donateur privé. Ce n’est pas juste. Il n’est pas normal de cacher ce que nous apportons. Donc, nous le disons.
Comment fonctionnez-vous?
Quand je suis arrivé à la présidence, en 1991, nous recevions 80 dossiers par an. Nous en traitons aujourd’hui 1500 que nous examinons avec Serge Bednarczyk, secrétaire général, et quatre employées. Des plus petits à ceux qui demandent plusieurs dizaines de millions de francs. Il n’y a pas de normes. Le nombre de ces dossiers ne cesse d’augmenter, malheureusement pas toujours en qualité. Nous devons en refuser plus qu’avant. A l’exception de l’aide aux animaux, nous n’apportons de soutien financier qu’à Genève.
Comment choisissez-vous les personnes, institutions, projets que vous voulez soutenir?
D’abord, les institutions, depuis toujours et régulièrement (Hospice général, Centre social protestant…). Cependant, nous n’entrons plus, comme avant, dans le budget de celles-ci. Les choses peuvent s’arrêter en tout temps. Une exception: nous soutenons pour toujours un laboratoire de recherches à l’Hôpital qui porte le nom d’Hans Wilsdorf, en sa mémoire. Nous apportons des aides ponctuelles (exemples: un accès pour handicapés, la restauration de l’ancien cinéma Paris) et des engagements sur trois ans (exemple: 1 million par an pour le Grand Théâtre, dont nous nous sommes ensuite retirés suite aux déficiences de gestion). Le fondateur tenait beaucoup à aider les jeunes. En matière de formation (nous finançons plus de 300 bourses par an à des étudiants et écoliers suisses et étrangers) et d’activités sportives. Nous avons été présents pour UGS, Etoile Carouge, nous sommes prêts à aider Servette, mais spécifiquement dans le but d’encourager la formation des jeunes équipes.
Vous avez évoqué de petits dossiers?
Nous sommes aussi ouverts aux demandes modestes de quelques centaines de francs, pour sortir du trou. Des paires de baskets pour qu’une famille puisse réaliser le rêve d’une randonnée. Un violon. Un soutien à une jeune femme agressée et abandonnée à elle-même… Nous lisons les journaux et sommes attentifs à des situations personnelles particulières qui nous incitent à proposer spontanément notre aide. Ce n’est pas de la charité, mais des coups de cœur qui peuvent permettre à des personnes de repartir dans la vie.
Avez-vous une enveloppe annuelle, des limites?
Non. Nous n’avons pas de problèmes budgétaires. La Fondation ne vit pas des revenus de l’année, mais de ses économies, qui sont importantes. Nous ne refusons jamais un projet pour des questions financières. En fait, nous disposons d’une superbe machine.
Tribune de Genève |