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AFFAIRE PEACE MARK : les derniers développements et les réponses aux questions qui se posent
 
Le 06-10-2008
de Business Montres & Joaillerie

Les liens commerciaux tissés entre les marques de montres et le groupe Peace Mark rendent le règlement de cette affaire très sensible pour les opérateurs suisses.

Où en est aujourd’hui le dossier ?
Quelques élements de réponse aux questions que tout le monde se pose.

Que s’est-il passé ?

Très endetté à court terme par une croissance externe très rapide et par le rachat du groupe de distribution horlogère Sincere, le groupe Peace Mark s’est trouvé attaqué à la Bourse de Hong Kong par des traders qui ont joué à la baisse. La peur étant contagieuse, l’action Peace Mark a perdu en quelques jours l’essentiel de sa valeur, ce qui a contraint le groupe à en suspendre la cotation. Les banquiers n’ont pas été rassurés pour autant et ils ont « coupé le robinet », puis exigé le remboursement immédiat de leurs créances à court terme.

Les Suisses ont-ils joué un rôle dans cette déconfiture ?

Sans le moindre doute, et à plusieurs niveaux. Troublées par une situation financière qui paraissait inextricable, quelques marques ont cessé avant l’été leurs livraisons à Peace Mark. D’autres les ont assorties d’un paiement comptant, ce qui n’a pas arrangé la trésorerie de l’entreprise. On ne peut non plus exclure que certains échos négatifs venus de Suisse aient exercé une influence génératrice de panique sur les boursiers et les banquiers de Hong Kong. Surtout dans un contexte de concurrence accrue entre Peace Mark et ses challengers (The Hour Glass, Xinyu Hengdeli, etc.) et dans le cadre de la lutte pour l’hégémonie horlogère dans le sud-est asiatique. En revanche, il est évident que des grands noms de l’industrie suisse ont tenté d’aider au maximum leur partenaire Peace Mark, ne serait-ce que par reconnaissance pour son travail de pénétration et de structuration du marché chinois, en particulier par l’explosion des boutiques monomarques. Bref, dans une économie globalisé et compte tenu de la dépendance des Suisses vis-à-vis de Peace Mark, la « rumeur helvétique » a joué un rôle non négligeable pour ne pas dire plus, mais on manque évidemment de preuves sur l’attitude des décideurs hongkongais.

Comment le groupe a-t-il réagi à la pression des banquiers ?

Les dirigeants de Peace Mark ont tenté de trouver un « chevalier blanc » pour rassurer les marchés et les banquiers, mais les négociations, menées dans l’urgence, ont échoué. La pression des créanciers augmentant, Patrick Chau et Tommy Leung avaient le choix entre plusieurs options, dont la cessation immédiate et définitive de l’activité. Ce qu’ils ont refusé en choisissant de se mettre sous la protection d’un « provisional liquidator ».

L’entreprise Peace Mark se trouve-t-elle liquidée ?

« Liquidator » est un de ces fameux « faux amis » qui peuplent les dictionnaires franco-anglais. Contrairement aux rumeurs et aux interprétations de la presse européenne (*), le « provisional liquidator » est, en droit commercial hongkongais, plus près de l’administrateur provisoire que du syndic de faillite. Le groupe s’est simplement abrité derrière une sorte de « Chapter 11 » à l’américaine, pour se mettre provisoirement à l’abri des exigences de ses créanciers et se donner le temps de faire face. Peace Mark n’est ni en « liquidation » (au sens européen du terme : se sactifs ne sont pas bradés), ni en banqueroute, mais placé provisoirement sous le contrôle d’une autorité désignée par les créanciers (tout le problème vient du flou sémantique de l’anglais commercial, qui dispose d’un même mot, liquidator, pour des situations juridiques différentes)…

Pourquoi cette option du « provisional liquidator » ?

Selon mes informations recueillies aux meilleures sources à Hong Kong, c’est une décision personnelle de Tommy Leung, le CEO de Peace Mark, et toute l’industrie suisse devrait lui rendre hommage. Et c’est une décision « héroïque » ! Si les banques créancières de Peace Mark avaient immédiatement accaparé, comme elles le voulaient, les actifs du groupe, elles auraient mis la main sur un stock de plusieurs dizaines de milliers de montres de luxe appartenant à toutes les marques suisses (Rolex, Omega, Franck Muller, Chopard, etc.). Dispersé à l’encan par des banques avides de se refaire, ce stock de montres se serait retrouvé sur le marché gris, pourrissant pour plusieurs années les marchés horlogers asiatiques et la réputation des marques. Conscient du danger et probablement soucieux de ménager l’avenir de ses relations avec les marques suisses, Tommy Leung a choisi de se… sacrifier à court terme en acceptant la nomination d’un « provisional liquidator » qui le prive de tout pouvoir effectif sur le devenir du groupe. Nomination exigée par les banques, mais qu’il aurait pu repousser de quelques semaines, ne serait-ce qu’en lâchant du lest par la revente de quelques actifs (on a ainsi parlé de la cession de Sincere)…

Que peut-il se passer dans l’immédiat ?

Dans ce genre d’affaire, il faut à la fois « laisser du temps au temps », mais aussi agir rapidement pour éviter que la situation ne soit pourrie par les incertitudes et les rumeurs. Le « provisional liquidator » a la double tâche de préserver l’entreprise (et ses salariés) et de préserver l’intérêt des créanciers. Il doit donc assurer la bonne marque de l’entreprise au quotidien et, en même temps, sélectionner les dossiers des meilleurs repreneurs pour éviter autant que possible une dispersion des actifs de l’entreprise.

Un sauvetage de Peace Mark est-il possible ?

Si on prend un peu de recul par rapport aux folles rumeurs qui courent à Hong Kong, il n’y a guère que deux solutions possibles. Un rachat hostile ou un rachat amical. Rachat hostile : il pourrait être proposé par un fonds d’investissement (on a parlé de Carlyle) seulement soucieux de faire un « aller-retour » financièrement positif, selon la bonne vieille technique du rachat de l’immeuble et de la revente par appartements. Un rapide examen des actifs de Peace Mark montre que l’entreprise est solidement implantée sur ses marché et que ses positions sont fortes, sa seule faiblesse provenant d’un endettement à court terme pour le moins maladroit et mal structuré.

Et le rachat amical ?

Le management de Peace Mark est suffisamment bien introduit dans les hautes sphères hongkongaises pour que se dessinent des propositions de rachat non hostiles (c’est-à-dire carrément amicales), satisfaisantes à la fois pour les créanciers et pour les actuels managers, auquels personne n’a intérêt à faire « perdre la face », ce qui entacherait la réputation de toute la communauté économique hongkongaise (surtout après l’affaire Egana). Les « chevaliers blancs » manquent d’autant moins que la mariée reste très belle et qu’il y aura sans doute quelques menus profits à en réhabiliter l’honneur perdu.

Le groupe Peace Mark sera-t-il démantelé ?

Apparemment, ce n’est pas l’intention des « liquidators », qui ont compris que la structure actuelle (capacité industrielle multi-spécialiste et réseaux commerciaux multi-segments) répondait à une logique économique forte. Un sauvetage de cet ensemble – réseau Sincere compris – est tout-à-fait envisageable, y compris le maintien des ateliers de complications situés en Suisse et provisoirement annoncés comme repris par le groupe Festina. Tout reste possible. Même les adversaires et les concurrents de Peace Mark n’ont plus intérêt à l’explosion en vol du groupe…

Les marques suisses doivent-elles s’inquiéter ?

Il est naturel de s’inquiéter quand un partenaire du poids de Peace Mark vacille : le destin du groupe conditionne une large part des exportations d’horlogerie suisse en Asie. Il serait stupide de s’affoler en interprétant de travers les nouvelles de Hong Kong : la décision courageuse de Tommy Leung prouve à la fois le sens des responsabilités des managers de Peace Mark et leur souci de préserver à tout prix l’intérêt des marques suisses et leur image. Business as usual dans les boutiques, les usines et les filiales du groupe : les montres sont à l’abri de la convoitise des vautours. De quoi rassurer les clients et les directions commerciales en Suisse…

Quelles sont les prochaines étapes dans le règlement de ce dossier ?

Sans mauvais jeu de mots, l’affaire Peace Mark est un vrai casse-tête… chinois et il serait bien imprudent de définir un échéancier avec toutes les… chinoiseries judiciaires, financières et banquières dont les uns et les autres sont capables. Tout peut aller très vite (c’est l’hypothèse tactique la plus réaliste) ou traîner en longueur, selon le degré de panique de banques terrorisées par l’actualité américaine. Les « chevaliers blancs » et les « chevaliers noirs » sont aux aguets et jouent de leurs relais locaux pour arracher cette proie. On peut faire confiance à l’habileté manœuvrière du board de Peace Mark pour éviter le pire.

Grégory Pons

(*) Sur cette question du droit commercial hongkongais, et au risque de contredire mes excellents confrères suisses ou français, il faut consulter un document juridique comme Overview of Insolvency Law in Hong Kong (http://www.tannerdewitt.com/media/publications/insolvency-law.php).

 



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