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A qui le tour pour reprendre Sincere, un des premiers réseaux de distribution des montres de luxe en Asie du Sud-Est ?
Si le sort du groupe Peace Mark semble à peu près réglé par l’intervention de l’honorable M. Cheng Yu-tung, troisième fortune de Hong Kong, celui du réseau Sincere est encore en suspens.
Les prétendants ne manquent pas…
C’est à cause du rachat de Sincere que le groupe Peace Mark s’est mis en situation de cessation des paiements et qu’il a été finalement rattrapé par la dette colossale sur laquelle il avait bâti sa progression météoritique.
Sincere était un des joyaux du fragile empire Peace Mark, et un des plus convoités pour l’effet de levier dont son futur propriétaire pourra disposer sur le marché local des montres de luxe, et jusqu’en Suisse.
Ce n’est donc pas un hasard si quelques marques suisses, très engagées auprès de Sincere, ont « regardé le dossier ». Certaines ont poussé la curiosité jusqu’à faire une offre. D’autres ont estimé que le retail n’était déciement pas leur tasse de thé, mais elles continuent à suivre de très près l’évolution de la situation.
Aux dernières nouvelles, l’offre présentée par Tay Liam Wee, l’ancien propriétaire (qui avait vendu Peace mark, avant de démissionner du board du groupe où il avait été admis), n’aurait pas l’agrément des « liquidateurs », qui n’auraient pas apprécié son comportement aux limites de l’anti-jeu dans cette crise.
Pas moins de onze dossiers d’offre sont pour l’instant sur la table des « liquidateurs », mais un retient particulièrement l’attention : The Hour Glass – le grand concurrent local de Sincere pour la distribution des montres de luxe (Richard Mille, De Bethune, MB&F, Patek Philippe, Rolex pour ne donner que quelques exemples des 60 marques distribuées dans 25 boutiques) – convoiterait ainsi le réseau Sincere, qui dispose de boutiques bien placées dans des places où The Hour Glass n’intervient pas encore.
Un tel rachat consacrerait la famille Tay, propriétaire de The Hour Glass, parmi les leaders mondiaux de la distribution horlogère, avec un poids stratégique pour toute l’industrie horlogère suisse, qui compterait là une puissance avec laquelle il faudrait parler d’égal à égal. Futur roi de cet empire asiatique, si le rachat devenait effectif : le jeune Mike Tay (ci-dessus), héritier de la famille propriétaire et initiateur du futur Focha (Fondation & Museum of Contemporary Horological Art, une sorte de « Beaubourg » de la nouvelle horlogerie (voir son interview dans Business Montres, qui avait révélé le projet au public européen).
L’affaire n’est cependant pas faite. Cette vente sera de toute façon soumise aux autorités de Singapour (les deux maisons sont nées sur le territoire), notamment au contrôle des législateurs chargés de la concurrence, qui pourraient ne pas apprécier cette concentration dans la distribution des marques horlogères de luxe. Dans un Etat de droit aussi foncièrement libéral que Singapour, cette concentration pourrait facilement passer pour une distorsion de concurrence et un abus de position dominante, ce dont les concurrents locaux de Sincere et The Hour Glass (notamment Iafriro) pourraient profiter…
Ce rachat devra également trouver l’agrément des banques créancières du groupe Peace Mark, dont Sincere est un des actifs les plus valorisables. Ces banques – en majorité non asiatiques – ayant été proprement tondues de très près lors du rachat (toujours non officiel) par Cheng Yu-tung des boutiques de luxe du groupe (Business Montres du 7 octobre), il est probable qu’elles feront monter les enchères. Il n’est pas dit non plus qu’un autre acteur puisse l’emporter, et pourquoi pas, ouvertement ou en sous-main, un « ami » de l’industrie horlogère suisse, qui sécuriserait ainsi ses débouchés en Asie.
Pour l’instant, wait & see, mais les transactions vont bon train entre Singapour, Hong Kong et plusieurs « capitales horlogères »… en Suisse !
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