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Marche avant. Marche arrière. Moins de deux semaines après avoir manifesté sa volonté de fusionner ses quatre musées sous une direction unique, le Conseil communal de La Chaux-de-Fonds abandonne son projet. Pire, il se renie. Il regrette que son texte (108 pages!) ait été vu comme «un procès d’intention dirigé contre des personnes, dont certaines se sont senties blessées». Une lettre ouverte des actuels conservateurs a en effet circulé. «Le projet sera retravaillé et une nouvelle consultation publique se verra organisée début 2009.»
Il y a des années que l’affaire dure. Il faut lire le dossier Réorganisation des institutions muséales entre les lignes. On apprend ainsi que les politiques déplorent les libertés jusqu’ici laissées aux conservateurs. Ils oublient du coup que leur principale tâche devient le management. Ce dernier mot revient de manière obsessionnelle dans le texte, écrit en langue technocratique. Comprenez par là que la plupart des mots sont des néologismes ou des termes détournés de leur sens originel. Il n’est question que d’«observation participante», de «force normative du factuel», de «travail d’é-change actif» et de «dimension horizontale».
Solidarité romande
Si les choses semblent (provisoirement) revenues à la normale sur les hauteurs jurassiennes, plusieurs collègues romands des Chaux-de-Fonniers s’insurgent et se solidarisent. «On voit comment la médiocrité politique gagne du terrain en s’appuyant sur la phraséologie d’un consultant», déclare ainsi un directeur de musée désirant l’anonymat. «Cette médiocrité tend à annihiler des décennies d’efforts pour la professionnalisation de la conservation du patrimoine.»
C’est bien là que réside selon lui le problème. En voulant des machines à drainer le public à coup d’expositions temporaires et d’animations culturelles (le tout appuyé par de longues séances de gestion), le politique finit par oublier ce qui fait un départ le métier de conservateur: étudier, restaurer et publier.
Pourquoi vous raconte-t-on ici cette histoire neuchâteloise, qui peut sembler bien mineure et lointaine? Parce que Genève n’est pas épargnée par ce que les technocrates appelleraient un «trend». Il suffit d’assister aux conférences de presse locales. La rhétorique déployée incite à changer les musées en jouets de prestige. On a ainsi récemment entendu qu’il fallait «redéfinir le périmètre patrimonial». Une jolie formule. Elle permettrait, le cas échéant, de jeter du lest. Redéfinir, c’est souvent abandonner comme redimensionner signifie, en clair, faire plus petit.
ÉTIENNE DUMONT
Tribune de Genève
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