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REUGE: le grand retour de la boîte à musique
 
Le 16-10-2008

Qui n’a pas vibré dans son enfance au son de ces petites boîtes à musique actionnées par une manivelle? Ce temps peut nous paraître bien lointain et, pourtant, le créateur de ces instruments à rêves continue à nous émerveiller aux sons des mélodies les plus diverses et avec des boîtiers toujours plus décoratifs, luxueux et contemporains.

Charles Reuge fonde l’entreprise du même nom en 1865 au Val-de-Travers et déménage ses ateliers en 1930 à la rue des Rasses à Sainte-Croix, emplacement encore d’actualité. Reuge rachète, entre 1977 et 1991, plusieurs firmes concurrentes et vit de fastes années. Faute de descendant, l’entreprise est vendue en 1988 à un groupe d’investisseurs suisses qui la modernise. En 2000, elle acquiert son principal fournisseur de boîtes en bois, la firme italienne Arte Intarsio, qui continue en parallèle d’offrir ses coffrets haut de gamme à d’autres entreprises. Elle maîtrise ainsi la fabrication complète de ses objets de luxe. Ce qui ne l’empêche pas de traverser alors une grave crise qui entraîne une restructuration. En 2006, Kurt Kupper est nommé PDG. Il redynamise la marque, diversifie les collections et surtout personnalise le produit. Ses efforts portent leurs fruits et une nouvelle étape est franchie début juillet avec l’arrivée d’un nouvel investisseur (le capital est augmenté de 1,5 million de francs).

Mis à part trois lignes de base (1865, Lounge et Studio), la firme créé des modèles uniques comme celui lié à son association avec le cirque Knie et la Fondation Little Dreams de Phil et Orianne Collins qui encourage les talents artistiques de jeunes prodiges à travers le monde. Basé sur une affiche du Knie signée Hans Erni représentant une otarie, un objet d’exception est né (voir photo ci-contre), dont les bénéfices de la vente sont entièrement dédiés à Little Dreams. Autre exemple de diversification: l’Hôtel Peninsula de Tokyo organise chaque année plus de 300 mariages. Afin de bercer les jeunes mariés, l’établissement leur offre une boîte à musique cachée dans un coffret dont la forme évoque le chapeau de ses grooms. Pour les 60 ans de Ferrari, l’entreprise a développé une boîte à musique inspirée d’un moteur de la mythique marque italienne. Ou encore, elle a logé un de ses célèbres mouvements dans l’accoudoir d’une voiture Maybach. Autres diversifications intéressantes, les cadeaux d’entreprises personnalisés, comme le presse-papier, l’humidor ou le porte-crayon.

Mais que recèle une boîte à musique? Parlons tout d’abord de la pièce maîtresse du mouvement: le clavier, qui viendra toucher les goupilles du rouleau et lire ainsi la musique. En acier, celui-ci est d’abord ébauché puis fendu par des machines qui ont été conçues, développées et fabriquées à l’interne. Il est ensuite chauffé, puis trempé dans de l’huile tiède afin de provoquer un choc thermique. On obtient ainsi la bonne dureté de la pièce et, partant, la sonorité désirée. Etape suivante: on soude du plomb sous les lames qui donneront les notes graves afin qu’elles sonnent avec rondeur et clarté. Il ne reste plus qu’à accorder le clavier. L’opération est informatisée: une machine, qui fait sonner chaque lame et compare la fréquence des vibrations obtenue avec celle nécessaire à la note demandée, pilote une meule qui amène ainsi les lames à la note juste. Et, pour terminer, des plumes synthétiques (autrefois de vraies plumes de poules) sont collées sous les lames dévolues aux notes graves pour servir d’étouffoir et obtenir ainsi un son parfait.

La partition: pour fabriquer un mouvement à musique, on part d’une partition pour piano. En tenant compte de la longueur possible de la mélodie (grandeur du mouvement), l’arrangeur sélectionne la partie qui sera la plus rapidement reconnaissable. La partition est ensuite transformée en fichier informatique.

Les rouleaux ou cylindres: en laiton, ils sont tout d’abord percés par des machines (piquage), puis les goupilles - fils en acier de 0,25 mm de diamètre - sont insérées dans les trous. Un fichier informatique, propre à chaque mélodie, détermine la position précise de ces dernières. Chaque rouleau est ensuite contrôlé visuellement: on vérifie qu’il y ait une goupille dans chaque trou - au besoin, elles sont rajoutées manuellement (voir photo page précédente) - et qu’elle soit bien droite. Les rouleaux sont remplis d’une résine de fabrication maison qui garantit la stabilité des goupilles et assure une meilleure sonorité finale.

Fixage: le fixeur assemble toutes les pièces mécaniques qui constituent le mouvement sur la platine (pièce de base au montage). C’est à ce moment que, pour la première fois, on peut entendre la mélodie. On fixe tout d’abord le clavier de telle sorte qu’il soit situé exactement en face des goupilles, ni trop près, ni trop loin. Ces dernières sont à nouveau vérifiées, puis égalisées (frisage). Intervient alors le contrôle final du mouvement terminé. Toutes ces étapes exigent un grand savoir-faire ainsi qu’une oreille et une vue parfaites.

Emboîtage: c’est le moment d’intégrer la partie technique à la boîte. Le fond de celle-ci constitue la caisse de résonance et les pieds créent l’espace nécessaire pour laisser passer les ondes.

Marqueterie: les meilleurs ébénistes de Suisse et d’Italie sélectionnent des essences de bois (provenant du monde entier), les sèchent, les assemblent, les vernissent et les réunissent afin de proposer des coffrets exceptionnels, véritables pièces de collection.

Qui dit Reuge, pense boîtes à musique, mais encore… La firme détient les secrets de fabrication des mécanismes complexes des oiseaux chanteurs intégrés dans des volières, des coffrets ou encore des réveils. Elle est également la seule manufacture à fabriquer des montres de poche avec musique et automates. En 2007, elle s’est diversifiée en acquérant l’entreprise Mermod Frères - sise également à Sainte-Croix - qui a présenté un premier modèle de montre-bracelet musicale (voir Revue FH n°10 du 5 juin 2008, p. 27).

Jamais à cours d’idées, Kurt Kupper n’a de cesse de diversifier les produits et de les faire connaître plus largement. Il a ainsi par exemple engagé une dizaine de guides parlant différentes langues (allemand, anglais, espagnol, hollandais, japonais, chinois, roumain, russe, italien, persan, arabe) afin d’ouvrir les portes de la manufacture aux touristes, aux médias ou autres entreprises intéressées. La firme de Sainte-Croix développe par ailleurs une nouvelle boîte à musique qui la liera prochainement au monde d’Harry Potter. Reuge a donc encore un bel avenir et continuera certainement de faire rêver petits et grands aux sons de ses douces mélodies.

Reuge en bref

85 employés
Marchés: Suisse, Japon, Europe de l’Est, Hong Kong, Europe occidentale,
Etats-Unis, Moyen-Orient
Magasins exclusifs: Musée des automates et de la musique mécanique (CIMA) à Sainte-Croix, Hong Kong, Shanghai

FH

 



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