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Tendances et perspectives
de l’actualité horlogère dans les semaines
qui viennent : alors que les marques
retiennent leur souffle et concentrent
leurs énergies avant les salons,
de quoi va-t-on parler ?
••• GRANDES PROFONDEURS : jusqu’où descendra-t-on dans la récession ? On a fêté la semaine dernière un anniversaire tragique, celui d’un certain jeudi 24 octobre 1929, quand le New York Stock Exchange avait brutalement dévissé, après dix-huit mois de folie haussière sur les marchés boursiers. Inutile de revenir sur ce « jeudi noir » (Black Thursday), qui a dévasté l’économie des Etats-Unis (30 % de chômeurs) et, par contagion, toute les économies du monde développé en quelques mois. Les pays occidentaux mettront près de dix ans à se rétablir – et il ne s’en remettra qu’en réarmant pour se lancer dans la Seconde Guerre mondiale.
Evidemment, l’analogie est frappante : même stupeur collective devant une catastrophe programmée par les plus lucides, mêmes ventes massives des traders pris de panique, mêmes assurances des responsables politiques (« La prospérité est au coin de la rue », affirmait alors le président des Etats-Unis) et même extension instantanée à l’économie « réelle » par la correction infligée aux banques, qui avaient alors été mises en faillite, ce qui avait condamné entreprises et commerces… On a juste évité, à ce jour, les banquiers banqueroutiers qui se jettent par la fenêtre, mais le sens de la dignité se perd. Reste à savoir jusqu’où peut aller la crise actuelle, que tout annonce sévère, même si les gouvernements semblent apparemment décidés à ne pas se laisser piéger.
Crise passagère, le temps de remettre en ordre la structure financière de l’économie mondiale, ou décrochage durable ? 1929 ou 2001 ? Les deux hypothèses sont également soutenables, mais différents facteurs – dont la contamination des marchés proche-orientaux, qui constituaient le dernier moteur de croissance du luxe, et la chute libre de l’indice de confiance des hauts revenus américains consommateurs de luxe – laissent craindre non seulement une réorientation des goûts de luxe en général, mais aussi quelques changements majeurs de paradigmes dans la sélection des marques ou le choix des objets « essentiels »…
••• TENDANCES 2009 : au vu de ce qui se prépare dans les manufactures, on pourrait bien avoir un grand retour de la… montre-squelette ! Autant pour le squelettage classique (on enlève le cadran et on regrave le tout dans une logique de décoration) que pour le squelettage nouvelle génération (on réarchitecture un mouvement pour en affiner les lignes, dans une logique de pédagogie technique).
Question encore sans réponse : cette vogue du mouvement squeletté (quel horrible nom pour un si beau travail !) tient-elle aux difficultés de se faire livrer des cadrans innovants ou au souci de facturer plus cher des montres en démontrant que leurs mouvements ont été objectivement retravaillés (ce que les économistes appellent maximiser les profits unitaires) ?
••• BULLES COLLATÉRALES : on a trop souvent lié la nouvelle horlogerie à l’art contemporain pour ne pas s’inquiéter des signes de tassement qui se produisent sur ce marché international de l’art « conceptuel ». Un premier coup de semonce pourrait avoir été tiré à Hong Kong, début octobre, quand les deux-tiers des œuvres proposées sur un catalogue Sotheby’s n’ont pas trouvé preneur. Signal d’alerte confirmé à Paris, avec une vente d’Artcurial où moins de 50 % des lots n’ont pas trouvé d’acheteur. Les enchérisseurs avaient sans doute la tête ailleurs, mais de sérieuses questions se posent sur la « bulle artistique » en période de récession.
Contrairement aux biens immobiliers, aux actifs des entreprises ou même aux produits de luxe comme les montres qui, même surévaluées, représentent malgré tout une singulière somme de travail artisanal et un puissant concentré de savoir-faire technique, les œuvres d’art contemporain ne s’appuient pas sur une réalité matérielle et physique, mais sur une idée, un « concept », une « vision ». Les « produits » mis sur ce marché n’ont d’autre valeur que leur capacité de séduction d’une élite internationale qui fait et défait la cote, au gré de spéculations souvent occultes.
La dévaluation ou l’effondrement des cours de ces œuvres d’art pourrait, par ricochet, entraîner une dépréciation des « concepts horlogers » dont la valeur virtuelle (le prix catalogue) est totalement déconnectée de la valeur intrinsèque (le prix de revient réel, en tenant de la valeur ajoutée créative).
••• NOTES D’ESPOIR : on aura cependant noté la bonne tenue des récentes enchères horlogères, notamment celles de la vente Antiquorum de New York, où un catalogue bien composé et quelques « vedettes » (dont la Longines d’Einstein, apparemment pas préemptée par la marque) ont piqué la curiosité des collectionneurs.
Le vrai test se déroulera cependant dans deux semaines, avec différentes ventes aux enchères (Antiquorum, Christie’s, Sotheby’s et la plus attendue de toutes, la première vente « zero commission » de Patrizzi & Co) qui disperseront entre 2 500 et 3 000 montres de collection : quel marché et quels enchérisseurs ? That is the question…
••• SAISON DES PRIX : cette semaine à Genève et à Paris, les prix décernés par Montres Passion (Montres de l’année 2008 et Prix de la campagne horlogère), dont les deux Prix du public, un pour la Suisse, un pour la France (puisque Montres Passion est désormais diffusé en France). A venir dans les semaines qui viennent : les différents prix remis par La Revue des Montres, les récompenses du Grand Prix d’Horlogerie de Genève et tous les autres, en France, en Europe et dans le monde.
On va encore gloser à l’infini sur la signification globale de ces prix (les récompenses se multiplient d’année en année) et sur leur perméabilité à des considérations commerciales. Faute de prix de référence, peut-être faudra-t-il un jour lancer des états généraux des prix d’horlogerie, pour tenter d’organiser un chaos qui trouble les marque autant que les amateurs…
••• JAMES BOND : c’est pour la semaine prochaine dans les salles (Quantum of Solace, pas de titre français pour l’instant, mais déjà Bond 22 pour les amateurs), mais c’est en avant-première sur la radio BFM (France) dès ce week-end, dans Goûts de luxe (samedi 20-22 h ; dimanche 10-12 h), avec une séquence sur les montres de James Bond, de Rolex à Swatch, en passant par Seiko, Breitling et Pulsar…
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