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Le directeur financier remplace Patrick Heiniger, démissionnaire. Son mandat est de remettre l'entreprise à flot au moment où la crise financière plombe les ventes.
Bruno Meier, jusqu'ici directeur financier de Rolex, dirigera le groupe horloger dès janvier. Il présidera également le conseil d'administration. Il succède à Patrick Heiniger qui a donné sa démission mercredi dernier. Cette nomination met fin à un demi-siècle de règne de la famille Heiniger sur l'entreprise fondée par Hans Wildorf en 1908. Rolex compte 8000 salariés à Genève et à Bienne.
Le nouveau patron prendra ses fonctions à un moment critique pour l'entreprise. La part de marché du groupe se rétrécit dans le sillage de la crise financière et économique qui touche tout le monde, y compris la clientèle pour les produits de luxe. Les dépenses de celle-ci pourraient baisser de 15% l'an prochain, selon une étude de Capgemini. Pour Rolex, le phénomène a déjà commencé: les ventes ont chuté en novembre, le mois le plus important pour le secteur, de 25% sur le marché américain. La chaîne de bijouterie Tourneau, l'un des plus grands revendeurs américains de la marque, a même noté une baisse de 40%. L'Asie, marché en expansion, n'est pas épargnée non plus. Le distributeur Xinyu Hengdeli a enregistré 30% de ventes en moins sur une année par rapport à 2007.
Trois milliards de francs
Dans un communiqué annonçant la nomination de Bruno Meier, le groupe tient toutefois à préciser que les revenus pour l'ensemble de 2008 battront un record. Ce qui fait poser des questions sur les raisons de départ de Patrick Heiniger. Il y a certes les perspectives 2009 qui ne sont pas roses. Mais la presse dominicale parle aussi d'une gestion inadéquate du groupe. Selon le NZZ am Sontagg, le groupe Rolex dispose d'une trésorerie de 10 milliards de francs. Investie dans des produits de placement, cette manne rapporte gros en temps normal, davantage que les activités horlogères pures. L'an 2008 étant une année de crise financière, le groupe aurait perdu un milliard de francs. Selon des rumeurs, aussitôt démenties par Rolex, le groupe aurait fait des pertes sur les placements faits auprès de l'escroc américain Bernard Madoff. Le chiffre d'affaires annuel du groupe est évalué à 3 milliards de francs. Mais la société familiale n'a jamais confirmé un quelconque chiffre. La marque Rolex est évaluée à 5 milliards de dollars par Interbrand, une agence spécialisée. L'entreprise a créé la mythique Oyster, la première montre résistante à l'eau, en 1926. Aujourd'hui, elle en a une gamme de 170 modèles. En 1970, le groupe maîtrise l'ensemble de la fabrication de ses montres pour éviter toute dépendance de fournisseurs. Contrairement à d'autres marques de luxe, Rolex n'a développé aucune autre ligne de produits pour profiter de la marque.
Bruno Meier n'a pas encore divulgué sa stratégie pour remettre l'entreprise à flot. Les spécialistes de l'horlogerie font remarquer qu'il est l'antithèse de Patrick Heiniger qui a remplacé son père André Heiniger à la tête de l'entreprise en 1992. Le nouveau patron est connu depuis peu dans cette industrie. Il a rejoint Rolex en 2005. Auparavant, il était le directeur de la filiale genevoise de la Deutsche Bank.
Ram Etwareea
Le Temps |