JOAILLERIE: Les vols par ruse, nouveau fléau
 
Le 29-01-2009

Ces malfrats qui préfèrent jouer les prestidigitateurs plutôt que de dégainer de gros calibres raflent pierres précieuses et montres de luxe.

Prestidigitateurs de haute volée, rois du pastiche et de l'esbroufe, as de la faconde et de la manipulation, ces voyous sont la hantise des bijoutiers et le cauchemar des forces de l'ordre. Sans dégainer de calibre ni jouer du poing, ces malfrats hors norme raflent en douceur pierres précieuses, pendentifs et montres de luxe. Ce club très fermé des voleurs par ruse vient de s'étoffer d'une nouvelle figure. Celle d'une femme d'environ 55 ans que l'on dirait débarquée d'un improbable émirat. Austère, la tête couverte du hidjab, le foulard musulman, portant des lunettes cerclées d'or et vêtue d'un élégant manteau émeraude, il s'agirait en fait d'une Française issue de la communauté des gens du voyage installée dans les Bouches-du-Rhône.

Son dernier fait d'armes remonte au 20 novembre dernier : vers 15 h 30, elle entre dans la boutique Cartier de la rue François-Ier, dans le VIIIe arrondissement de Paris. Se faisant passer pour une opulente Qatarienne accompagnée de son fils pour chercher une bague de fiançailles, elle réussit à subtiliser avec une rare audace une bague surmontée d'un diamant estimée à 635 000 euros. S'adressant avec morgue et dans un anglais de cuisine au personnel de la boutique, la princesse de pacotille multipliait les allers et retours dans le magasin et touchait tous les bijoux pour déstabiliser le rituel feutré des vendeurs. «Le grand paradoxe de la très haute joaillerie est d'offrir à manipuler des pièces exceptionnelles car elles sont avant tout à vendre, confie un assureur. Normalement, les transactions s'effectuent autour de la table de vente où le client reste assis et à qui l'on montre un nombre toujours réduit d'articles…»

«Vulnérabilité»

Mais cette «bulle de sécurité» est parfois crevée après une mise en confiance et quelques entrées et sorties intempestives : chez Cartier, le fils a détourné l'attention d'un vigile tandis qu'une vendeuse était partie un bref instant dans les réserves.

La voleuse, en un étourdissant tour de passe-passe, a échangé la bague contre une vulgaire copie. Sous un fallacieux prétexte, le couple est parti avant que la supercherie ne soit découverte. «Toujours en mouvement, demandant à ouvrir et fermer les présentoirs, les voleurs par ruse détectent une vulnérabilité dans le protocole de sécurité au moment critique de l'exposition du produit, confie un policier. Une fois le butin empoché, ils disparaissent en cinq secondes et revendent la marchandise à 10 % de sa valeur. » Soupçonnée par les Allemands d'écumer les places européennes «depuis une dizaine d'années », l'insaisissable femme au hidjab a encore été filmée en septembre dernier à Francfort alors qu'elle venait de dérober une bague d'une valeur de 210 000 euros, puis à Wiesbaden dans la foulée ainsi qu'en Suisse. Lors de cette série, elle était accompagnée d'une jeune femme à l'allure sage, en veste sombre et chemisier blanc.

Comble du culot

Si aucune statistique n'a jamais pu en mesurer l'ampleur, les professionnels estiment que le vol par ruse, fléau récurrent, est lié à une routine dans laquelle s'installent certains bijoutiers. Ainsi, deux diamants de 47 et 30 carats, d'une valeur de onze millions d'euros, avaient été dérobés en septembre 2004 à la biennale des antiquaires du Louvre après que six faux clients eurent mobilisé l'attention de vendeurs en les pressant de questions et que deux complices forcent un présentoir.

Plus récemment, c'est grâce à un simple peigne coincé dans le système de fermeture d'une vitrine qu'une parure de diamants a disparu dans le sud de la France. Dans le Gard et les Bouches-du-Rhône, un gang de Roumains circulant en grosse BMW ont à leur tour volé une demi-douzaine de joailleries en demandant à admirer des bijoux et les chipant en un tour de main lors de la confection du paquet cadeau. Peu avant, un autre duo avait escamoté une soixantaine de pièces précieuses dans une échoppe située dans la banlieue sud de Nantes, profitant d'un moment de forte affluence. «Les plus audacieux volent les clefs des joailliers, en font un double et remettent en place l'original avant la fermeture de l'échoppe», explique un expert sécurité.

Le comble du culot revient cependant à un voleur du Val-d'Oise : se disant propriétaire d'une joaillerie dont il prétendait avoir perdu les clefs, cet Arsène Lupin s'est présenté une nuit à un poste de police pour se faire ouvrir, avec l'aide d'un serrurier, le coffre-fort et d'en rafler le contenu. Personne n'avait songé à vérifier son identité.

Christophe Cornevin
Lefigaro.fr

 

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