FRANCE: Les attaques de bijouteries en forte hausse
 
Le 09-02-2009

Selon les statistiques, les braquages avec armes à feu ont progressé de 42 % en 2008.

Inquiets et parfois même désemparés face à l'inédite bouffée de violence qui les frappe, les quelque 10' 000 bijoutiers, horlogers, joailliers et orfèvres de France tirent la sonnette d'alarme. À l'occasion d'une grand-messe tenue à huis clos en leur siège parisien, ces professionnels habitués à travailler dans une atmosphère feutrée ont découvert l'édifiant état des lieux dressé par le commissaire divisionnaire Philippe Véroni, patron de l'Office central de lutte contre le crime organisé, et le directeur adjoint de la police judiciaire de Paris, Jean-Jacques Herlem.

Les statistiques, portées à la connaissance du Figaro, sont éloquentes. En 2008, le secteur a été victime de 158 braquages avec armes à feu, soit une explosion de 42 % par rapport à l'année précédente. Dans le même temps, les policiers ont relevé 37 vols avec violences, 109 vols avec effraction, une dizaine de séquestrations ainsi qu'une vingtaine d'agressions visant des courtiers.

Opérations de type commando

Souvent le fait d'équipes spécialisées, les vols à main armée sont commis par deux catégories de voyous. La plus nombreuse, composée d'individus de plus en plus jeunes issus des cités de banlieue, prend volontiers pour cibles des boutiques installées dans des centres commerciaux dont le gérant est isolé. La seconde, marginale mais plus haut de gamme, recrute parmi les malfrats venus des pays de l'Est et menant des opérations de type commando calibrées au millimètre. La haute joaillerie les craint depuis leurs derniers faits d'armes, dont le spectaculaire hold-up du siècle qui a visé la boutique Harry Winston en décembre dernier pour un butin alors estimé à 85 millions d'euros.

Le seul point commun dans ces braquages en série ? La froide détermination et la violence qui accompagnent les faits. «Trois ans après qu'une bande de malfaiteurs gantés, encagoulés et armés de kalachnikov eut pris en otage mon fils avant de ligoter mes dix employés dans nos ateliers et de dérober pour 300 000 euros de marchandises, je vis encore un lourd traumatisme, témoigne Maurice, 58 ans, gérant d'une société de fabrication de bijoux en région Rhône-Alpes. Pour éviter que cela tourne au carnage, j'avais réagi comme un automate en observant certaines règles de sécurité. Après notre agression collective, une équipe de psychologues était venue nous soutenir, mais il aurait été préférable d'avoir affaire à des spécialistes comprenant mieux les difficultés de notre métier. Depuis, j'ai doublé nos systèmes de protection même si je sais que cela ne sera jamais la parade absolue…»

Élucidations en hausse

Grâce aux progrès de la police scientifique en matière de prises de traces papillaires et génétiques ainsi qu'au renforcement de la vidéoprotection, les policiers ont fait bondir leurs taux d'élucidation. L'année dernière, quelque 102 braqueurs de bijouteries ont été appréhendés contre seulement 41 en 2005. En région parisienne, une étude de la direction régionale de la police judiciaire révèle que seuls 10 % des interpellés ont sévi dans leur commune et 30 % dans leur département.

Contrairement à tous les délinquants dits «de proximité » qui ciblent les buralistes ou les épiceries situés en bas de chez eux, les gangs raflant montres de luxe et pierres précieuses n'hésitent plus en effet à couvrir des dizaines de kilomètres avant de passer à l'action.

Cette délinquance organisée a rendu indispensable un plan de coordination policière sur les grands axes routiers de l'Ile-de-France, la mise en place depuis 2003 d'une conférence radio mobilisant tous les services répressifs de la région en cas d'attaque et des échanges d'informations confidentielles sous l'égide de la Brigade de répression du banditisme et de la PJ de Versailles.

Les professionnels, qui ont créé en 2002 l'Observatoire de sûreté de l'horlogerie-bijouterie, présidé par Bernadette Pinet-Cuoq, multiplient quant à eux les bulletins d'alerte aux professionnels pour décrire les derniers modes opératoires et diffuser des photos de suspects encore en liberté. Les détaillants apprennent ainsi à déjouer les agressions en luttant contre leurs pires ennemis : la routine et le manque de discrétion.

Christophe Cornevin
Lefigaro.fr

 

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