ROGER DUBUIS: jusqu’à 70 postes de travail supprimés
 
Le 09-03-2009

La mesure concerne quelque 15% des effectifs, du jamais vu dans le secteur depuis l’éclatement de la crise. Une question de survie.

«La tension est palpable. Jamais je n’avais connu pareille nervosité au sein du groupe Richemont», témoigne un employé au siège du numéro deux mondial du luxe à Bellevue (GE). La pression monte sur tous les fronts, dans un contexte toujours plus ardu de récession mondiale et, corollaire, de forte baisse des ventes horlogères. Richemont cèderait même un peu à la panique, selon cette source interne. Le CEO Norbert Platt, malgré les mesures prises à l’interne, ne peut que constater, impuissant, l’effondrement du titre. L’action a perdu plus de 40% en six mois et près de 8% depuis trente jours. Le groupe a donc décidé d’accélérer le processus. Annoncé par «L’Agefi» fin janvier déjà, le plan social élaboré par le groupe commence à prendre forme.

Alors que d’autres décisions sont encore attendues ces prochaines semaines, le géant horloger va restructurer sa marque Roger Dubuis.

Septante postes de travail au maximum sur plus de 400 seront supprimés d’ici fin mars 2009, d’après l’horloger basé à Meyrin (GE). Les employés ont été informés. Cette charrette, nettement plus conséquente que lors des premiers contacts entre le groupe et les partenaires sociaux (une quinzaine de licenciements était alors évoquée), s’avère nécessaire «pour sauvegarder l’essentiel des emplois et assurer le développement de la marque à l’international».

Excès d’investissements

La mesure est de taille puisqu’elle concerne quelque 15% du personnel, la plus importante réduction dans la longue liste des horlogers qui ont déjà dû réduire la voilure. Les employés paient donc un lourd tribut à l’héritage de Carlos Dias, précédent propriétaire, ayant revendu ses parts (60%) au groupe en août 2008. D’ailleurs, Richemont met l’entier de la responsabilité sur ce personnage controversé dans le landerneau. Entre 2004 et 2006, «la manufacture a connu une croissance trop rapide, investissant de manière surdimensionnée tant en ressources humaines qu’en infrastructures industrielles. Confrontée aujourd’hui à une conjoncture mondiale très difficile, elle fait face à d’importants problèmes». Un enterrement en bonne et due forme.

Mais il est vrai que Richemont est allé de mauvaises surprises en déceptions depuis qu’il a repris les rênes, découvrant de multiples cadavres dans les placards. Le processus de due diligence a-t-il failli? Alan Grieve, porte-parole du groupe, déclare que Roger Dubuis connaissait des difficultés financières lors de la reprise. «Majeures », complète notre source. Des spécialistes estiment non seulement que, sans Richemont, Roger Dubuis n’existerait plus mais aussi que la société a du coup payé au prix fort cette transaction. A sa décharge, rappelons que c’est surtout Manufacture Genevoise de Haute Horlogerie (MGHH), pôle industriel de Roger Dubuis – racheté en 2007 – qui intéressait les stratèges de Bellevue. Les syndicats estiment pour leur part que le pire a pu être évité. «Cette restructuration s’avère nécessaire, la société, sous l’ère Dias, a brûlé les étapes. Il convient désormais de consolider les fondamentaux.»

Ironie de l’histoire, Matthias Schuller a donné une interview à Bloomberg quatre jours avant l’annonce des suppressions de poste. «Les effectifs resteront stables ou diminueront à peine», disait- il. Niant toujours l’évidence de la crise, les directeurs de marques du groupe Richemont continuent donc de privilégier la politique de l’autruche, dans la lignée de leurs déclarations lors du récent Salon international de la haute horlogerie (SIHH).

Peur panique dans le Jura

D’autres licenciements ou suppressions d’emplois sont d’ores et déjà à craindre au sein de l’entreprise présidée par Johann Rupert. Un fournisseur de composants horlogers pour le groupe explique. «Sur certaines pièces, les commandes passées ces deux derniers ont baissé entre 10 et 15%, voire plus», révèle-t-il sous couvert d’anonymat. Richemont n’est toutefois pas un cas isolé, loin s’en faut. Raymond Weil prépare également un redimensionnement, lequel devrait être annoncé cette semaine encore. Comptant 90 employés, la société genevoise souffre de l’opacité des marchés et d’un ralentissement important de ses affaires, plus particulièrement aux Etats-Unis, son marché clé. Les plus folles rumeurs, parfois fantaisistes ou grotesques, circulent par ailleurs de Genève à Schaffhouse, évoquant les difficultés des uns et des autres. Une manufacture aurait ainsi pour au moins 100 millions de francs de montres et composants en stock, sans aucune chance de pouvoir les écouler ces prochains mois. Son directeur serait sur le départ.

A trois semaines et demie de Baselworld, le salon de l’horlogerie, un vent de panique souffle sur l’arc jurassien, avec en toile de fond des exportations horlogères en recul de 22% en janvier, pire résultat depuis au moins vingt ans. Le personnel a aussi du souci à se faire. Jon Cox, analyste chez Kepler Capital, craint quelque 5000 suppressions d’emplois d’ici à deux ans.

L'Agefi
Bastien Buss

 

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