Le fondateur de Blu n’est pas juste horloger: il invente des montres. Refaire ce qui a déjà été n’a, à ses yeux, aucun intérêt.

Passionné, curieux, il utilise un autre terme pour expliquer sa vision de l’horlogerie. Pour lui, reproduire sans renouveler, c’est “ incompréhensible ”! Car une montre doit se comprendre plus que se lire; un garde-temps doit avoir du sens plutôt que d’être utile. Une démarche intellectuelle aussi bien que technique qui se raconte, à chaque fois, comme la genèse de l’horlogerie. Voici l’histoire d’une montre et de son créateur, indissociablement unis, la première étant la matérialisation de la pensée du second. Voici la genèse de la Blu Majesty Tourbillon MT3.


Bernhard Lederer voue une sincère aversion au temps. Intrusif, esclavagiste, il a ponctué sa vie d’enfant à Kornwestheim, près de Stuttgart: “ Ma mère interrompait souvent mes rêveries en me lançant: “ il est l’heure du thé ”, ou: “ il est l’heure d’aller à l’école ”. Il était toujours l’heure de faire quelque chose. “ A force, le temps est devenu mon ennemi. ” Son meilleur ennemi en fait.

Car avec le temps, ou grâce à lui, Bernhard Lederer est devenu horloger. Une manière de l’observer, de l’espionner, repérant ses moindres failles. Car seuls ceux qui connaissent parfaitement leur adversaire en viennent à bout. Et ce point faible, ce talon d’Achille du temps qui passe, il finira par le trouver: “ Einstein disait que le temps est relatif. Je suis d’accord, mais je ne l’entends pas de la même manière: 15 minutes à chercher ses chaussettes alors que l’on est en retard, cela ne passe pas comme 15 minutes à attendre son conjoint qui n’est pas prêt! ” Constat élémentaire, mais fondamental de la démarche intellectuelle de Bernhard Lederer: si la perception que l’on a du temps n’est pas la même selon les situations, il suffit de créer celles qui nous le rendra plus agréable; d’inventer des garde-temps un peu moins attentifs, un peu plus rêveurs.

C’est naturellement dans les étoiles qu’il commencera sa quête. Au début des années 1990, il invente le concept “ orbital ”: un disque centré des heures entraine un disque excentré des minutes, rappelant la danse des planètes en orbite. Son univers prenait corps. En 2000, venu s’installer en Suisse, il crée la marque Blu, abréviation de Bernhard Lederer Universe. Des ateliers desquels sortent aujourd’hui des pièces entièrement manufacturées à l’interne.

Puis en 2004, l’un de ses clients lui demande d’intégrer un tourbillon dans ce système planétaire. “ Cela a été le début d’une longue réflexion qui allait mener à la Majesty Tourbillon MT3. Je ne savais pas encore qu’au lieu d’un tourbillon, il y en aurait finalement trois! ” Une plate-forme centrée au fond du boîtier effectue une rotation complète en 12 heures. Elle intègre le premier tourbillon indiquant les heures. Sur cette assise est directement fixé le deuxième tourbillon, excentré celui-là, faisant un tour complet en 1 heure et indiquant par conséquent les minutes. Sur le même axe, au-dessus de lui, tourne le troisième tourbillon, celui des secondes effectuant un tour complet en 1 minute.

Mais Bernhard Lederer ne s’est pas contenté du tourbillon classique imaginé par Breguet. Pour alléger la structure, il a suivi l’idée de l’Allemand Alfred Helwig, qui avait inventé le tourbillon flottant, et plus tard le semi-flottant, c’est-à-dire sans cage, fixé à l’aide d’un unique pont. L’ensemble est majestueux, et ne nécessite aucun cadran. Une spectaculaire glace traitée antireflets (à tel point que l’on se demande s’il y en a vraiment une) autorise une plongée dans le mécanisme, dans le temps. Une véritable émotion, qu’ont ressentie également les membres du jury du Watch award 2007 de Kuala lumpur. Ils ont en effet décerné cette année-là un prix qui n’était pas prévu, celui la montre la plus “ admirable ” (the Malaysia most revered watch 2007). Une catégorie taillée sur mesure pour Bernhard Lederer.

Révolution
Fabrice Eschmann