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L’horlogerie est en crise et les stocks de montres s’accumulent. Si, une fois de plus, je vous assène ce truisme, c’est parce qu’un phénomène auquel tout le monde s’attendait ne se produit pas: les marques, tout au moins les sérieuses, se refusent à inonder le marché. Elles se font même prier quand des détaillants, parmi les plus performants, essaient de les obtenir.
Mon ami Patrick Cremers, le patron de A l’Emeraude à Lausanne, vient ainsi de le vivre en direct. Pourtant, avec son épouse Marina, il est considéré comme l’un des meilleurs détaillants de Suisse, offrant à ses clients un service et des conseils exceptionnels, au point que son petit magasin est devenu le rendez-vous des grands collectionneurs et des amateurs éclairés du monde entier. Il est vrai qu’il dispose des plus belles marques, de Patek Philippe à Ulysse Nardin en passant par IWC et bien d’autres.
Pourtant, quand il s’est décidé, il y a quelques semaines, à ajouter Panerai à son assortiment, il a eu beaucoup de peine. Il pensait en effet que, vu sa notoriété et vu la crise, il obtiendrait cette marque sans difficultés. Mais Angelo Bonati, le patron de Panerai, ne voulait pas entendre parler de nouveau point de vente en Suisse. Patrick Cremers a donc dû faire jouer les excellentes relations qu’il entretient dans le monde de l’horlogerie pour parvenir à ses fins. Et il a eu raison d’insister: en une semaine, il est parvenu à vendre cinq Panerai!
Cet exemple démontre une fois de plus que les marques sérieuses savent conserver la tête froide malgré la crise, partant du principe que si on trouve leurs montres partout ,cela enlèvera leur côté exclusif tout en risquant une très forte pression à la baisse sur leurs prix. Elles auraient ainsi tout à perdre en se lançant dans une telle politique. Mais il faut du courage pour pratiquer de la sorte quand les stocks s’accumulent et qu’il faut se décider à réduire son personnel!
Gabriel Tortella
Tribune de Genève |