EBEL: «Le star-system et l’ego ont vécu»
 
Le 23-03-2009

Interview de Marc Michel-Amadry, coprésident de la marque

La manufacture de La Chaux de-Fonds a une carte à jouer en ces temps de crise, estime Marc Michel-Amadry, coprésident de la marque. Grâce à une fidélité sans faille aux principes qui ont fait son histoire.

Marc Michel-Amadry, Ebel, que vous coprésidez depuis le début de l’année, a déjà été frappée par la crise, comme le groupe Movado, auquel vous appartenez. Etesvous dans un segment, le milieu de gamme, particulièrement exposé?
Ce sera dur, il ne faut pas se le cacher. Mais il faut relativiser aussi. Ebel a réussi à limiter les licenciements à six, et garde une soixantaine d’employés. Quant au groupe Movado, il a dû se séparer de 25 collaborateurs sur 260. L’ensemble de l’industrie horlogère s’attend à une baisse du chiffre d’affaires en 2009 et en 2010, et je ne crois pas que nous soyons plus ou moins exposés que d’autres.

Que pensez-vous de la phrase de Jacques Séguéla, selon qui on a raté sa vie si l’on n’a pas une Rolex à 50 ans?
Sincèrement, cela m’aurait fait de la peine qu’il dise ça à propos d’Ebel. Cela confère une visibilité passagère, mais cela trahit surtout une mentalité qui n’a plus cours. Les politiques salariales changent. Voyez le plafonnement à 500 000 dollars pour les top managers aux Etats-Unis. Tout cela influe sur la consommation du luxe. Et sur l’air du temps: aujourd’hui, avoir du goût ne signifie plus exhiber sa fortune.

Quels sont les atouts d’Ebel?
Nous avons la chance de ne jamais nous être fourvoyés en termes de design et de qualité. En conséquence, nous ne sommes pas tenus de nous réinventer totalement pour survivre, contrairement à d’autres marques qui se sont travesties pour une clientèle de nouveaux riches, qui va disparaître. Nous allons renforcer notre gamme de prix qui tourne autour de 2000 francs la montre.

Qui sont vos concurrents directs?
Je dirais que nous sommes une formidable alternative à Cartier et à Omega. Nous sommes entre deux mastodontes, c’est vrai. Mais les «petits» bougent plus vite.

Que pensez-vous de la tendance des marques à revisiter leurs classiques?
Elle est logique et saine. Pour les gens, un modèle historique est gage de sécurité et de stabilité. Les marques recapitalisent sur leurs grands classiques, mais encore faut-il pouvoir se replier sur de vraies icônes, comme la Portugaise d’IWC, la Speedmaster d’Omega.

Et les icônes d’Ebel?
La Beluga ou l’Ebel Classic, bien sûr, que nous revisitons depuis l’année passée. Toujours pour les femmes, la Brasilia, lancée en 2006, s’est installée très vite, avec une image féminine et raffinée. Pour les hommes, la 1911 Tekton (année de la fondation de la marque, ndlr) et l’Ebel Classic Hexagon, dont nous présentons une nouvelle déclinaison à Bâle, sont des valeurs sûres.

Depuis 2004, la signature de la marque est du reste remise en lumière…
Oui, la devise «Les architectes du temps» est plus que jamais d’actualité. Elle porte en elle l’idée de jalons, évoque la construction et l’affirmation de soi dans la durée, plutôt que l’identification éphémère à une star. D’une manière générale, le star-system et l’ego qu’on trouve dans le milieu horloger vont s’essouffler. Il est impératif de retrouver une forme d’humilité et de mettre davantage de soin dans le travail pour lequel on est payé.

Un credo que n’aurait pas renié Le Corbusier…
Je vais vous raconter une anecdote: lorsque je fais visiter la Villa Turque à des clients, je m’amuse à leur faire deviner la date de sa construction. Les réponses s’étendent sur six décennies, des années 1910 aux années 1970. Cette philosophie de la tradition, intemporelle, correspond bien à notre marque. (Ebel a racheté la maison en 1986, ndlr.)

Le Matin Dimanche
Ivan Radja

 

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