BASELWORLD: L’horlogerie revoit toutes ses prévisions et tous ses modèles
 
Le 27-03-2009

Les illusoires solutions anticycliques d’un secteur dans la tourmente, qui joue très gros durant une semaine à Baselworld.

«L’impression générale? Celle de passer en tremblant un grand oral, pourtant minutieusement préparé, mais sans savoir à quelle sauce nous serons mangés », témoigne un horloger de la Vallée de Joux. L’horlogerie suisse s’apprête à vivre le moment le plus crucial de ces trente dernières années. Sur fond de récession mondiale, d’érosion abyssale des exportations, d’usines qui tournent au ralenti, de licenciements et de réduction du temps de travail, le salon Baselworld s’ouvre ce jeudi dans une ambiance délétère. La profession devra jouer durant une semaine son va-tout, voire même plus, pour tenter de sauver une année entamée sur des bases plus que chancelantes. «S’il y a des affaires à faire, c’est ici qu’elles se feront», a déclaré hier lors de la conférence de presse inaugurale Sylvie Ritter, pimpante directrice de la manifestation, le plus grand salon de la profession au monde. L’usage du conditionnel est à relever. Il met en exergue la fébrilité, l’angoisse et l’appréhension de tout un secteur qui manque totalement de visibilité pour les mois à venir. Baselworld agira comme baromètre, ou «comme juge de paix», selon l’expression désabusée d’un horloger indépendant. Après des années d’exubérance et d’exagération dans le prix des montres, la correction risque «d’être meurtrière», selon le CEO d’une entreprise jurassienne active dans les composants. «Contrairement à ce qu’affirme Swatch Group, le creux de la vague n’est pas derrière nous. Nous sommes encore en train de glisser», craint un horloger indépendant genevois. La vulnérabilité de certaines marques pourrait, dans les mois à venir, sonner leur glas, un assainissement qui a déjà débuté.

Réaliser la performance de 2006 serait déjà un exploit

Jacques Duchêne, président du comité des exposants de Baselworld, a esquissé diverses pistes anticrise. Survivront les entreprises jouissant d’une bonne assise financière, celles qui continueront de maîtriser leur production tout en continuant d’investir dans la R&D, celles qui feront preuve de créativité et qui contrôleront leurs coûts de manière drastique. Il y ajoute l’argument de l’attention extrême portée au réseau de distribution «afin d’éviter que la pieuvre du marché gris se développe» et celui de garantir un service après-vente irréprochable à l’échelle mondiale. Voilà pour la théorie. Reste que, dans la pratique, très peu de sociétés seront susceptible de remplir cette avalanche de critères. Sur le papier, seuls les grands groupes et les horlogers d’une certaine envergure pourront les honorer. D’ailleurs, le discours des horlogers a opéré une léger glissement. Si la branche espérait encore il y a quelques semaines parvenir en fin d’exercice à un niveau avoisinant celui de 2007 ou 2008, «atteindre celui de 2006 serait déjà une bénédiction», résume un horloger neuchâtelois. Ce qui représenterait un étiolement de 3,4 milliards de francs ou quelque 25% au niveau de exportations. A noter, que cette version ne représente pas, et de loin, le consensus. Plus mesurée ou moins chagrine, la banque Vontobel anticipe un recul de 15% à 20% au premier semestre, pour une baisse sur l’ensemble de l’année de 12%. Soit un niveau de 15 milliards de francs.

Toujours est-il que la profession ne veut en aucun cas sombrer dans le pessimisme. Certes, le ciel est bas, gris, menaçant au bord du Rhin, mais, quoi qu’il arrive «les affaires reprendront un jour», tempère Jacques Duchêne. Lequel lance un énigmatique: «Notre façon de penser devra s’orienter différemment par rapport à nos réflexes actuels ». Les horlogers auront tout loisir, et le temps, de méditer cet apophtegme. Mais après Baselworld seulement. Pour l’heure, il faut vendre. A tout prix.

L'Agefi
Bastien Buss

 

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