Swatch voit grand
 
Le 21-04-2007

De l'avis unanime, les commandes se sont envolées. Swatch Group rachète un bâtiment emblématique en Chine.

S'il fallait vraiment une énième preuve supplémentaire de la stupéfiante vitalité de l'horlogerie suisse et de son rayonnement de part le monde, elle est venue de Swatch Group. Le numéro un mondial de la branche s'est offert l'établissement le plus emblématique de Shanghai, le Peace Hotel South Building, qui se situe à l'intersection de Nanjing Road et du Bund, l'ancien quartier historique des finances et celui du luxe aujourd'hui.
Le groupe va rénover le bâtiment pour quelque 30 millions de dollars et le transformer en magasin, exposition et lieu qui accueillera et logera gratuitement des artistes venus du monde entier. «Le bâtiment historique, classé monument culturel, sera restauré par des experts avec toute l'attention due à cet héritage culturel», a expliqué jeudi Nick Hayek, patron de Swatch Group, lors de la conférence de presse de bilan du numéro un mondial. Si d'autres détails financiers n'ont pas transparu, le bâtiment fera en tout cas office de vaisseau amiral pour la conquête du marché chinois. Pour mener à bien ce projet, une coentreprise a vu le jour, détenue à 90% par l'horloger et à 10% par Jin Jiang Group, un grand groupe hôtelier chinois.

En cette période de bilan des salons horlogers de Bâle et de Genève, les horlogers doivent ressortir leur dictionnaire. Et engranger les superlatifs pour pouvoir qualifier la période d'euphorie que la branche connaît actuellement. Durant les dix jours qu'ont duré ces deux manifestations, on a entendu que des «exceptionnels», «extraordinaire», «record» ou encore «du jamais vu» auprès des marques. La frénésie et l'appétit des distributeurs étaient tels qu'il fallait parfois jouer des coudes pour entrer dans les stands. Certains en sont presque venus à s'arracher les produits. «Je n'ai jamais vu cela. C'est de la folie furieuse», confesse Patrick Cremers, patron de la chronométrie A L'Emeraude à Lausanne. Le nombre de représentants venus d'Asie, marché le plus porteur de l'industrie, a impressionné.

Complaisance?

Même Nick Hayek s'est trouvé un peu démuni à l'heure de trouver le qualificatif adéquat. Après une hésitation, il a lancé «Mais que pourrais-je dire? C'est tout simplement exceptionnel. Baselworld était un salon premier cru pour les marques du groupe. De tels jugements en deviennent presque répétitifs. Mais c'est la vérité.» Hublot, dont le stand ressemblait à une fourmilière tant les acheteurs s'y pressaient, a aussi connu un salon sans précédent. La société, dirigée par Jean-Claude Biver, indique avoir réalisé un chiffre d'affaires de 152 millions de francs durant les dix jours de la manifestation. En 2006, l'entreprise avait enregistré des ventes de 96 millions.

«On s'attendait à un bon salon. Mais là, ça a dépassé toutes nos prévisions», confie pour sa part un horloger genevois actif dans le haut de gamme. «Tag Heuer peut se prévaloir d'une hausse de 44% des intentions de commandes», a révélé Jean-Christophe Babin, patron de l'horloger en mains de LVMH. Chez Omega (Swatch Group), ce serait 40%.

Des acteurs de la branche ont toutefois voulu atténuer un peu cette «complaisance euphorique». Comme le dollar et le yen évoluent à des niveaux très bas, leur détérioration pourrait conduire des marques à augmenter une fois de plus leurs prix. Pour Nick Hayek, «enregistrer des commandes est une chose, livrer les pièces en est une autre». Les tensions sur la production vont perdurer cette année, a-t-il averti. Le groupe prévoit des investissements de 350 millions de francs en 2007 dans son appareil de production. Sur certaines pièces très compliquées de Breguet, les commandes passées à Bâle en 2006 n'ont pas encore pu être honorées. Ces pièces ont un délai d'environ dix-huit mois. «Mais les clients sont prêts à attendre», selon le patron de Swatch Group. La rationalité semble avoir un peu déserté l'horlogerie. On flotte en plein conte de fées. Jusqu'à quand?

Le Temps

 

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