Traque aux Pink Panthers: le rôle capital de la police lausannoise
 
Le 19-05-2009

La police lausannoise a permis d'arrêter deux des membres les plus recherchés du gang des Pink Panthers, suite à un vol survenu début mai en plein centre-ville.

Ces braqueurs, surentraînés et audacieux, ont déjà commis des hold-up dans des bijouteries de luxe du monde entier, dont plusieurs autres en Suisse. D'une efficacité redoutable, la bande agit même parfois à visage découvert

Mardi 5 mai, 16 h 55, dans la bijouterie A l'Emeraude, au coeur de Lausanne. Deux hommes armés et le visage découvert font irruption. Ils sont parfaitement organisés. Tout va très vite. Tout est minuté. L'un des braqueurs, pistolet au poing, maîtrise le personnel. En une minute et quarante-sept secondes, c'est fini. Nonante-quatre montres de luxe sont dérobées. Le préjudice s'élève à 2 millions.

Les membres de ce gang n'en sont pas à leur coup d'essai. Le 6 décembre 2007, la bande a frappé en plein jour dans une bijouterie de luxe près de Zurich. Quatre individus encagoulés emportent pour plusieurs millions de bijoux.

Des hommes qui ne craignent rien. A Dubaï, en avril 2007, ils débarquent dans une galerie commerciale au volant de deux puissantes voitures. Après avoir défoncé la vitrine d'une joaillerie, ils emportent pour plus de 15 millions de valeurs.

«Travail exemplaire»

Ces brigands font partie d'un gang international appelé les Pink Panthers, spécialisé dans les attaques de bijouteries de luxe. Opérant par petits groupes, ils ne sont pas organisés selon un schéma mafieux hiérarchisé. «Ils sont environ cent cinquante. Des anciens militaires originaires d'ex-Yougoslavie et hyperentraînés», dit-on du côté d'Interpol.

Les deux hommes soupçonnés du braquage de la bijouterie A l'Emeraude de Lausanne ont malgré tout été arrêtés en début de semaine à Paris, dans un hôtel de Pigalle. Il s'agit de N. I., 36 ans, et de Z. K., 38 ans, d'origine serbe. «Une prise importante qui n'aurait pas été possible sans le travail exemplaire des forces de l'ordre de Lausanne», assure un enquêteur français, qui veut rester anonyme. Un exploit, quand on sait qu'une dizaine seulement de Pink Panthers sont sous les verrous.

Les inspecteurs lausannois ont en effet travaillé rapidement, clé du succès pour coincer des Pink Panthers, réputés très mobiles. Au moment de leur arrestation, les braqueurs possédaient d'ailleurs des billets d'avion à destination de leur terre natale.

«Grâce aux bonnes images vidéo, nous avons immédiatement pu voir le visage des braqueurs, relève Christian Pannatier. Comme ils ne portaient pas de gants, il a suffi de regarder où ils posaient les doigts pour prendre les empreintes.»

Les soupçons sur les identités des auteurs validés, leur signalement a vite été diffusé au plan international. «Des éléments nous laissaient effectivement penser qu'ils se rendaient en France», précise Stéphane Volper, adjoint au chef de la brigade criminelle de Lausanne.

Pink Panthers habitués à la Suisse

En Suisse, les Pink Panthers sont suspectés d'être à l'origine d'autres braquages à Lugano, à Schaffhouse et très récemment à Neuchâtel et à Genève. On leur attribue une centaine d'attaques violentes dans vingt pays. Leur butin sur dix ans est évalué à plus de 160 millions de francs.

C'est toujours le même mode opératoire: audace, rapidité, maîtrise et fuite. «Lors du braquage de la bijouterie A l'Emeraude, la vidéosurveillance montre que les deux hommes savent exactement ce qu'ils ont à faire, explique Christian Pannatier. Pas d'excitation et ils sortent décontractés. Techniquement, ce sont des affaires qui sont bien montées.»

Avant de passer à l'action, ces brigands partent en effet sur un terrain connu. Cartographier la scène du crime, c'est ce que les deux auteurs du hold-up de Lausanne étaient venus faire sept jours avant le vol. «Nous avons découvert des preuves matérielles qu'ils étaient en Suisse et le personnel de la bijouterie s'est souvenu de les avoir déjà vus», relève Stéphane Volper.

Les policiers lausannois reconnaissent que la capture de ces gros poissons, recherchés pour d'autres casses, a aussi joui d'un facteur chance. Lors de leur fuite, les hommes n'avaient laissé aucune trace. «Les chiens ont perdu la piste après quelques centaines de mètres, ce qui nous fait penser qu'une voiture les attendait», précise Christian Pannatier. Après un braquage à 2 millions dans une bijouterie de Courchevel en 2003, les Pink Panthers étaient repartis à ski. En été 2005 à Saint-Tropez, c'est en hors-bord qu'ils avaient disparu.

Il faut dire que les Pink Panthers savent parfaitement se fondre dans leur environnement. A Lausanne, les malfrats étaient en costume chic. Normal, dans une joaillerie de luxe. «L'un d'eux est entré, demandant à voir des montres. Puis il s'est renseigné sur le prix et a dit qu'il repasserait, raconte Christian Pannatier. Au moment d'ouvrir la porte électrique pour le laisser sortir, son complice a débarqué et a brandi une arme.»

Lors du hold-up de Neuchâtel le 8 avril, les trois braqueurs étaient habillés en tenue de peintre. Des travaux avaient lieu près de la bijouterie Michaud. L'art du déguisement, une signature des Pink Panthers.

Filière des bijoux encore mystérieuse

Les deux braqueurs d'A l'Emeraude ont été retrouvés, mais pas leur butin. Sauf deux montres qu'ils avaient conservées. Aujourd'hui, c'est l'une des priorités de la police lausannoise: savoir par quelle filière les valeurs volées sont écoulées.

Interpol pense que les Pink Panthers évacuent les bijoux grâce à des transporteurs internationaux. Puis les objets sont revendus au marché noir. L'argent liquide serait alors en partie réinvesti dans le bâtiment dans leur pays.

Julian Pidoux
Le Matin Dimanche

 

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