PORTRAIT - Jean-Frédéric Dufour, la nouvelle âme de Zenith
 
Le 04-06-2009

Le patron de Zenith aborde son statut de CEO comme l’on se jette dans un défi sportif de haut niveau, avec une détermination et une énergie que rien ne semble pouvoir freiner.

Il manie la métaphore sportive avec enthousiasme, parle de tempêtes et de capitaine, de 8000 mètres à escalader; il aborde tous les sujets avec passion dans un incessant tourbillon de mots, les illustre, les nourrit d’anecdotes et de souvenirs. Cet homme-là parle d’abondance, s’emballe, digresse à plaisir sans pourtant jamais perdre le fil de sa démonstration. S’asseoir avec Jean-Frédéric Dufour, c’est s’exposer à une tornade de bonne humeur, de sourires et de détermination. Pas de doute, ce capitaine-là sait où il va – n’exhibe-t-il pas fièrement son permis de haute mer? –, et il saura aussi entraîner son équipage.

A pas même 42 ans, Jean-Frédéric Dufour prend ces jours les commandes d’une marque prestigieuse, profondément enracinée dans l’histoire horlogère suisse. “ Depuis 1865, Zenith n’a jamais déménagé, jamais cessé son activité. On compte sur les doigts de la main les manufactures qui peuvent dire cela! ” Sa voix se teinte de fierté, on le sent ébloui par l’aventure qu’il entreprend, comme un enfant devant un cadeau longtemps désiré. “ On m’a confié les clés du temple, les clés d’une marque qui a déposé 170 brevets, glané 1500 récompenses, et à qui on doit de pouvoir mesurer le temps de façon mécanique au dixième de seconde! ”

L’homme ne boude pas son plaisir, lui qui a consacré presque toute sa carrière à l’horlogerie. A peine sorti de l’université, où il avoue s’être ennuyé, il fait ses valises et s’envole pour Hong Kong, découvre le monde professionnel dans une banque et surtout la cuisine chinoise qu’il adore depuis. L’escapade asiatique dure un an, il rentre à Genève en 1993 et rejoint Chopard. Cinq ans plus tard, sa route croise celle de Rolf Schnyder, patron d’Ulysse Nardin, à qui il espère vendre des mouvements. “ Il ne m’en a pas acheté, mais par contre, il m’a engagé. ” De la France au Moyen-Orient, de l’Italie aux Etats-Unis, il sillonne alors les marchés, en découvre le fonctionnement, rencontre les détaillants.

L’aventure dure deux ans, jusqu’au jour où il rejoint Jean-Claude Biver. “ On était en 2000, j’étais le premier employé de Léon Hatot. C’était un job très orienté sur le marketing, au sein d’une formidable machine de guerre. ” Deux ans plus tard, nouveau changement de cap et retour chez Chopard où il prendra le poste de directeur du développement produits. “ J’ai tout fait dans l’horlogerie, résume-t-il sans fausse modestie, sauf CEO. Je suis comme un alpiniste bien entraîné, devant son premier 8000 mètres, j’ai de bonnes chaussures, un bon équipement, mais tout de même une petite boule dans le ventre. Un CEO, c’est un chef des finances, du marketing, du produit, de la communication. Je connais chacun de ces domaines, mais je n’ai encore jamais été chef d’orchestre. C’est cela qu’il me reste à apprendre, et je vais y mettre une énergie folle. ”

Relever le défi à l’heure où les ventes du secteur reculent partout dans le monde et où le mot “ crise ” fait la Une des médias ne refroidit pas son enthousiasme, bien au contraire. “ J’ai dû me concentrer pour ne pas hurler de joie quand on m’a proposé ce poste! Je préfère rentrer dans la tempête, avec 45 noeuds de vent et des creux de dix mètres. Au moins, si je réussis, ce sera vraiment grâce à moi! ”

Il a de l’énergie à revendre, et le goût de l’aventure. Il adore la montagne, la haute mer, le désert. N’a-t-il pas fait 6500 kilomètres dans l’Atlas pour son voyage de noces? Ou fêté le Nouvel-An 2000 dans le sud de la Libye, à la frontière algérienne? Il semble tout aimer, tout embrasser sans retenue: le ski, la voile et même le jardinage dans sa maison de la rive gauche du Léman, où il vit avec sa femme et ses trois enfants: “ J’adore regarder les chênes, mettre les mains dans la terre. ” Français par sa mère, elle était libraire, et genevois par son père, le nouveau patron de Zenith a de profondes racines au bout du lac. “ Les Dufour sont installés à Genève depuis 1300 et quelque, assez sédentaires donc ”, commente-t-il amusé. Dans son arbre généalogique, historiens et ingénieurs abondent. Il évoque son oncle Alain, spécialiste de la Réforme qui traduisit toute la correspondance de Théodore de Bèze, son père ingénieur, tout comme son grand-père Léon qui dirigea une entreprise de machines agricoles, Simar, dont on voit encore parfois les motoculteurs entretenir quelques ronds-points de Suisse romande, même si elle a cessé son activité il y a plus de 35 ans. Un grand-père inventeur des moteurs sans soupapes qui faisaient tourner les célèbres Pic-Pic.

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