La restructuration forcée de Golay
 
Le 10-06-2009

Le moment était bien choisi. La restructuration de Golay entame maintenant sa phase finale. D’ici 2010, le spécialiste de la perle naturelle aura mis un terme à ses activités historiques. Fin juin, la maison aura complètement arrêté ses opérations commerciales en Suisse, dans la perle et surtout le diamant à destination de l’horlogerie.

Il ne s’agit que d’une nouvelle étape de la diversification du groupe vers le monde bancaire, désormais sous l’égide de la holding Norinvest, échangée aujourd’hui sur le marché actions. Les participations croisées et les rapprochements historiques troublent encore ce montage singulier. La clarté du modèle se précisera lorsque Golay aura définitivement changé de profil.

Dans L’Agefi du 18 mars dernier, Massimo Esposito, notamment président de la holding, précisait: «Norinvest Holding est avant tout une société familiale qui détient une banque (Cramer). La présence de Golay n’est qu’une étape.» En attendant que l’étape soit passée, aucune erreur de casting n’est à relever, malgré l’étrangeté. L’arrivée de Golay dans son périmètre de consolidation a même donné à Norinvest la capacité financière de jouer d’un timing idéal. Mi-mars, la holding prenait le contrôle de Banque de patrimoines privés Genève.

Le timing n’est pas aussi parfait côté perles. Difficile en effet pour Golay de se retirer des perles dans des conditions optimales, alors que le marché est en chute libre. En témoigne un exercice 2008 soldé par une perte de 8,4 millions de francs, contre un bénéfice de 11,8 millions en 2007. La fin des activités commerciales se contente donc de respecter une logique simple: éliminer toutes les sources de pertes. Et le virage actuel n’est pas un coup de tête. Car le Golay originel est plombé depuis longtemps et les tentatives pour le redresser ne datent pas d’hier. Sa position de grossiste semble aujourd’hui d’autant plus incertaine que l’environnement a changé drastiquement.

En dix ans, le prix des perles s’est effondré de près de 90%. Les marges ont évidemment suivi. La demande aussi a fondu. Les perles sont bien passées de mode et l’horizon temps reste flou quant à un hypothétique retour en grâce. Aujourd’hui, les perles sont même pêchées à perte. Jusqu’à 50% du coût d’extraction selon Alain Sierro, administrateur délégué. Quant aux diamants, spécialité lausannoise, la principale clientèle est constituée d’horlogers. Très décourageant donc. Surtout qu’à cela s’ajoute une surexposition sur le marché asiatique, en particulier le Japon, dont la faiblesse a sans surprise eu un fort impact.

Non content, Golay a aussi souffert de n’avoir pas la bonne taille. «Trop grand ou trop petit.» Et aucun salut sans des investissements rédhibitoires pour les actionnaires. La seule piste explorée aurait été la mutation de Golay en véritable marque joaillère. Mais la barrière est, là aussi, élevée et plusieurs tentatives ont déjà échoué. Le dernier essai a été présenté à la foire de Bâle en 2008, avec le concept «perles carrées», aujourd’hui revendu en sus de la filiale d’Osaka.

Un environnement peu propice donc à la vente de filiales. La transition en cours suit quoi qu’il en soit la stratégie dessinée en décembre 2006. A quelques adaptations près. Pour protéger au mieux les actifs, il n’a par exemple pas été décidé d’emblée de stopper toutes les activités commerciales. Mais la réalité d’un groupe bancaire s’avère peu compatible avec l’industrie, même du luxe. A commencer par l’application des règles imposées par la finma et les coûts attenants. Peu importe, vu de l’intérieur, il s’agit d’un cas d’école du passage peu banal de l’industrie à la finance. Une hybridation heureuse selon Alain Sierro, ex-CEO de Banque Cramer (contrôlée par Norinvest), qui y voit un distinguo bien venu alors que la «banque traditionnelle doit revoir son modèle».

Ainsi forcée à une restructuration intégrale, Golay enchaîne les annonces depuis des mois. En décembre dernier, la filiale de Hong Kong, fortement déficitaire, était reprise par le management local. En début d’année, la filiale d’Osaka faisait aussi l’objet d’un management buy out. En avril, Golay annonçait la cessation de ses opérations dans le diamant. Enfin, mi-mai, ce fut le tour des activités commerciales en Suisse.

Tout un symbole pour Lausanne, siège historique, où le numéro 60 de l’avenue de Rhodanie, à Vidy, continuera pourtant de porter les couleurs de l’entreprise. Il est prévu d’y conserver, à terme, un siège administratif et une équipe réduite au minimum, soit près de 5 personnes. Pour l’heure, une vingtaine de collaborateurs s’activent à régler les affaires courantes. Pâle reflet de ce qu’a été le siège, qui a compté jusqu’à 120 postes. Mais les activités commerciales des pierres synthétiques (joint venture avec Swarovski) et le perçage des perles qui occupaient les sous-sols sont arrétées depuis longtemps. Le bâtiment lui-même avait pu être vendu avant que la situation économique se dégrade et donc Golay, est désormais locataire dans ses ex-murs.

Dans ses grandes heures, la maison portait une quinzaine de filiales, pour la plupart cédées ou mises en liquidation. Aujourd’hui, elles ne sont plus que quatre, dont deux seulement sont encore considérées comme pleinement actives: l’italienne, à Vincenza, présente dans le domaine de la joaillerie et la japonaise SSP, dernière entité dédiée à la perle, à Tokyo. Restent encore deux autres unités, à Singapour et en Malaisie, qui fonctionnent au ralenti. Golay ne sera bientôt plus qu’un nom. Un peu de goodwill qu’Alain Sierro s’efforce surtout de valoriser indirectement, à travers les dernières filiales à vendre. Ainsi en va-t-il aussi des derniers stocks. Fin 2009, la maison occupera encore une poignée de lignes au bilan, avec quelques créances, dont le financement des MBO et quelques engagements bancaires. Enfin, le mois en cours marquera une autre étape symbolique: le titre s’échangera pour la dernière fois le 25 juin.
Stéphane Gachet

AGEFI

 

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