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Le propriétaire de Patek Philippe dévoile les raisons profondes qui l’ont poussé à créer son propre label, le Poinçon Patek Philippe.
Dans l’air depuis quelques mois, la nouvelle est devenue officielle ce printemps: Patek Philippe a décidé de progressivement abandonner le Poinçon de Genève – dont la marque était pourtant le plus important ambassadeur – pour le remplacer par le Poinçon Patek Philippe, label élaboré à l’interne. Quelle fut la réflexion qui a mené à cette décision? Et que reproche la prestigieuse marque au Poinçon de Genève? Philippe Stern, propriétaire de Patek Philippe, répond aux questions de Worldtempus.com.
Quel a été l’élément déclencheur qui vous a amené à créer le Poinçon Patek Philippe?
Cela a été une longue réflexion qui a commencé il y a quatre ans. Nous voulions mieux représenter ce qu’est la qualité Patek Philippe, car elle était mal définie pour nos clients. Nous avons beaucoup communiqué autour du Poinçon de Genève, mais nous voulions aller plus loin. Le Poinçon de Genève définit essentiellement la finition des composants. C’est très bien, mais il ne parle ni de la fiabilité du mouvement, ni de sa précision.
La rumeur prétendait que vous n’aviez pas apprécié l’entrée en 2008 de Cartier dans le club des bénéficiaires du Poinçon de Genève…
Non, cela n’a rien à voir avec Cartier. La simple rédaction de tous les critères de qualité ayant trait au Poinçon Patek Philippe nous a pris deux années. Notre démarche est donc bien antérieure.
La marque Patek Philippe est déjà un gage de qualité en soit. Pourquoi avoir créé en plus un Poinçon Patek Philippe, qui ne fait que répéter ce que la marque garantit déjà?
Vous, comme beaucoup de monde, dites qu’une montre Patek Philippe est d’excellente qualité, et je ne vais pas vous contredire. Mais ce n’est qu’une impression, qui repose sur notre parole. Nous voulions formaliser tout cela. Aujourd’hui, ce sentiment de qualité renvoie directement au Poinçon Patek Philippe et à la rédaction de tous ses critères, qui remplissent plusieurs classeurs.
Le fait que ce label soit autodécerné et autocontrôlé ne lui enlève-t-il pas toute crédibilité?
Nous nous sommes longtemps demandés s’il fallait faire intervenir un consultant externe. Mais nous avons rapidement constaté que les meilleurs experts que nous puissions trouver étaient sous notre toit. Nos critères sont tellement pointus, dans tellement de domaines, que des personnes externes à l’entreprise auraient été rapidement dépassées. Nous avons donc décidé de prendre nos propres responsabilités, en utilisant le contrôle extrêmement sévère qui s’est toujours fait à l’interne. Car nous n’introduisons pas quelque chose de révolutionnaire: nous avons toujours travaillé ainsi.
Avez-vous envisagé d’autres solutions avant de créer votre propre poinçon, qui conduira à terme à l’abandon du Poinçon de Genève?
Oui, évidemment. Nous avons songé à faire évoluer le Poinçon de Genève. Mais nous nous sommes rendu compte qu’il n’y avait pas de volonté politique de faire avancer les choses. Car le Poinçon de Genève a été institué par une loi cantonale. Pour le changer, il faut donc changer la loi…
Que reprochez-vous au Poinçon de Genève?
Nous avons communiqué de longues années avec le Poinçon de Genève et nous ne le renions absolument pas. Cela dit, en apprenant que nous lancions notre label, une de mes connaissances m’a dit: «Alors tu n’as plus à avoir peur du Poinçon de Genève maintenant!» J’ai été obligé de lui dire que le Poinçon de Genève n’avait jamais fait aucun contrôle chez nous. Une fois un mouvement validé par ses instances, c’est fini, il n’y a plus de suivi! S’il y a des dérives, les instances du Poinçon de Genève n’agissent pas, et cela nous dérange.
Et le Poinçon Patek Philippe corrige le tir?
Il est difficile à atteindre, et freine le développement de la marque en termes de quantité. Cela nous convient, et surtout cela convient à notre clientèle. C’est là l’essentiel.
Fabrice Eschmann – BIPH
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