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Philippe Léopold-Metzger, le CEO de la filiale de Richemont, estime que la reprise sera alimentée en premier lieu par les pays émergents.
Le marasme, pour ne pas dire la période de sclérose, que traverse l’horlogerie suisse ne semble pas affecter outre mesure la sérénité de Philippe Léopold-Metzger, CEO de Piaget, entreprise active dans l’horlogerie et la joaillerie de luxe. Bien sûr, l’année sera difficile, admet-il sans ambages, mais il est convaincu que la société peut tirer son épingle du jeu. «Il semble que le creux de la vague soit désormais derrière nous. La grande chance aujourd’hui de Piaget est de réaliser quelque 60% de son chiffre d’affaires sur des marchés qui ne se trouvent pas en récession. L’Asie, hors Japon, génère plus de 50% de l’ensemble de nos ventes. Nous sommes en train de récolter les fruits de ce positionnement géographique. Je veux dire au niveau du sell-out. C’est le seul aspect qui compte en ce moment », a-t-il confié à l’Agefi.
Le marasme conjoncturel n’est donc pas la toute première crainte de la marque du groupe Richemont. Une généralisation de la grippe porcine, qui pourrait réduire les flux de touristes chinois, serait en revanche plus pénalisante. Continuant de croire au potentiel de ce pays, Piaget vient d’inaugurer deux nouvelles boutiques à Hong-Kong. D’ici fin mars 2010, sept autres boutiques, toutes situées en Asie ou au Moyen- Orient, viendront encore étoffer le réseau. Ce qui portera à 73 le nombre d’enseignes à travers le monde. Preuve qu’il faut continuer, en dépit de l’atonie, de préparer l’avenir et asseoir les bases des futurs développements. Mais aucune ne sera grandiloquente ou tapageuse. «De nos jours, tout le monde veut faire dans le superlatif, notamment au niveau de la taille des boutiques. Quant à nous, en matière de réseaux de ventes, nous avons jusqu’ici privilégié le concept du magasin écrin et non celui du méga store. Nous pensons être ainsi mieux à même d’entretenir un contact personnalisé avec la clientèle.»
Missions globalement remplies
De manière générale, le CEO se dit surpris en bien de la résilience de ses propres boutiques depuis le début de l’année. Le réseau des détaillants arbore quant à lui un visage bien différent. Quelle est la recette de Piaget pour essayer d’atténuer les effets de la crise? «Il y a beaucoup de choses à faire en phase baissière. Les personnes qui s’en sortent le mieux sont celles qui continuent de suivre leurs objectifs sur le moyen et le long terme, tout en restant fidèle à la philosophie de la marque. Nous nous devons aujourd’hui encore plus qu’avant d’être proches de nos clients, d’aller vers eux. L’innovation doit aussi être au coeur de nos priorités. Se recentrer sur ses métiers de base est à ce titre fondamental», préconise le CEO. Piaget va continuer de renforcer son identité horlogère, alors qu’il y a encore dix ans, elle bénéficiait plutôt d’une perception joaillière. Un processus qui se traduit dans les chiffres, puisque le pôle montres pèse désormais 80% des ventes et la joaillerie- bijouterie 20%. La marque, qui a vu le jour en 1874, ne divulgue pas ses ventes. Au jeu des estimations, Vontobel les situe à 310 millions de francs pour 2008. La société produit annuellement quelque 20.000 montres.
«Ces dernières années, nous avons beaucoup travaillé sur la marque avec le très long terme à l’esprit. Piaget s’était fixé un certains nombre de missions qui sont globalement remplies. Nous n’avons par exemple pas cédé aux chants des sirènes en ce qui concerne l’utilisation de matériaux inédits dans l’horlogerie. Nous n’avons pas davantage modifié le positionnement de nos produits. Piaget est toujours au sommet de la pyramide », relate Philippe Léopold- Metzger. Contrairement à d’autres marques horlogères, Piaget, qui a investi il y a moins de deux ans 5,5 millions de francs dans l’extension de son site de Plan-les-Ouates, n’a pas dû procéder à des licenciements. Des réductions de l’horaire de travail (RHT) ont toutefois été implémentées, afin de préserver l’emploi et «le savoir-faire de ses collaborateurs, formés depuis de nombreuses années». La société compte 355 employés à son siège genevois et 130 à la Côte-aux-Fées (dans le canton de Neuchâtel), site de production de ses propres mouvements.
Perte d'appétence du consommateur
Avec les différents points de vente, le total des employés atteint 800 personnes. Selon Piaget, la croissance fera bientôt son retour. «Même actuellement, c’est moins un problème d’argent, car il y en a encore beaucoup, que de la perte d’appétence du consommateur.» Cette crise n’occasionnera pas de changement fondamental de paradigme pour le luxe et la consommation reprendra de plus belle dans quelques temps, avec des taux de progression de l’ordre de 5%, selon le CEO. Notamment en Asie où les richesses continuent de se créer et les personnes qui réussissent souhaitent le montrer. Ce qui passe souvent par l’achat d’un garde-temps. La reprise sera alimentée en premier lieu par les pays émergents. Aux Etats-Unis, la remise en question risque de durer un peu plus longtemps, mais, au final, les personnes aisées vont reprendre goût aux beaux objets. De manière structurelle, ce secteur est d’ailleurs condamné à croître, selon Philippe Léopold-Metzger. «Il suffit de considérer l’aspect démographique. D’abord avec une augmentation continuelle de la population et, donc, un élargissement du nombre de clients potentiels. Puis, une clientèle qui consomme de plus en plus tôt, dès 25 ans, mais aussi plus longtemps grâce au prolongement de la durée de vie. Nous avons des clients centenaires. Enfin, le gain d’indépendance des femmes, travaillant toujours plus, avec un pouvoir d’achat en hausse et sont donc encore davantage susceptibles d’acheter un produit Piaget.» Ces éléments prometteurs confortent la sérénité de la marque. Après la récession, s’entend.
Bastien Buss
AGEFI |