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Relancée en 2007, la marque genevoise souffre de la conjoncture mais persévère dans son créneau du très haut de gamme. Son nouveau CEO Philippe Dubois mise sur la rareté des produits.
Successeur d’Aldo Magada à la tête de Badollet depuis le 1er décembre dernier, Philippe Dubois, ancien directeur commercial chez Concord, veut écouler les stocks de la marque pour alimenter sa trésorerie. En accord avec l’investisseur monégasque qui finance la société, il a mis au point une stratégie pour traverser la crise actuelle et être prêt le jour où la situation se débloquera.
Louis Nardin: D’aucun s’inquiètent de la situation des petites marques qui disposent de peu de ressources pour affronter la crise. Qu’en est-il de Badollet?
Philippe Dubois: Les premiers produits Badollet sont arrivés sur le marché au moment où la situation commençait à se détériorer pour l’horlogerie, soit au début de l’automne dernier. Ce concours de circonstances nous a desservi car d’une façon générale, les clients ont commencé à ne plus s’intéresser aux nouvelles marques. Cela étant, notre positionnement très haut de gamme qui se traduit par des montres à grandes complications telles des tourbillons ou des répétitions minutes est de plus en plus reconnu. A cela se rajoute le fait que nous ne produisons que des séries limitées de 30 pièces au maximum avec la possibilité de les personnaliser. Les finitions d’une montre à l’autre diffèrent également. Cette rareté constitue notre principal argument de vente aujourd’hui. Nous nous efforçons également d’être le plus réactif possible en réduisant au maximum les temps de production et de livraison.
Vous disposez justement d’un stock important…
Effectivement, nous avons sous la main tous les composants nécessaires à la fabrication des montres y compris les mouvements. Tous nos efforts actuels visent à le réduire.
Avez-vous dû procéder à des remaniements internes?
A mon arrivée, la société employait une dizaine de personnes. Depuis certains sont partis d’eux-mêmes, j’ai dû en remercier d’autres. A ma connaissance, tous ont retrouvé un emploi. Aujourd’hui nous sommes trois avec Frédéric Grosclaude qui assume de nombreuses fonctions, notre horloger Laurent Buclin et moi-même comme CEO.
Est-ce que la marque a néanmoins réussi à se constituer une clientèle?
Avec une entrée de gamme à 235'000 francs suisses, Badollet s’adresse clairement à un public restreint et fortuné qui possédera toujours les moyens de s’offrir des montres de cet acabit. La tendance show off constatée ces dernières années s’est éteinte d’elle-même et les acheteurs potentiels recherchent volontiers le contraire, c’est-à-dire de la discrétion. Avec sa production restreinte, Badollet répond à cette attente. Les ventes, réduites mais régulières, le prouvent, même si je doute que nous écoulions les 50 pièces disponibles d’ici la fin de l’année.
La marque a abondamment communiqué sur son concept Ishango Lodge qui propose, en particulier, une montre de remplacement lors d’une réparation ainsi que d’autres services. Cette offre est-elle toujours d’actualité?
Nous n’allons pas poursuivre l’expérience. Les services en question constituaient de facto des prestations de base qu’une marque comme la nôtre se doit d’offrir. Par ailleurs, proposer une montre de remplacement signifie que le modèle original peut tomber en panne. Même si cette option est envisageable, tout acheteur de ce genre de modèles connaît la complexité des mouvements en question et accepte d’attendre le temps qu’ils soient réparés. Finalement, les frais engendrés par Ishango Lodge ne compensent pas ses avantages.
Quel regard portez-vous sur les difficultés que connaît l’horlogerie actuellement?
Le Swatch Group pourrait sortir grand gagnant de cette crise s’il parvient à sauvegarder son appareil de production et les emplois qui en dépendent. Beaucoup de sociétés ont dû s’en séparer, même partiellement, et le jour où la reprise sera là, elles auront des difficultés à répondre à la demande. Les réseaux de distribution et de ventes connaissent également de nombreux changements. Les détaillants ont été échaudés par certaines marques qui les ont obligés à acheter des montres alors qu’ils n’allaient pas pouvoir les écouler. Le moment venu, certains s’en souviendront certainement. Quant aux petites marques, elles doivent jouer la carte de la proximité avec le détaillant et plus encore avec le client final.
Propos recueillis par Louis Nardin
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