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Le Luxury Consumption Index a progressé de 18,6 points au deuxième trimestre. Redressement attendu en fin d’année.
Quel est l’état clinique de l’industrie du luxe? Les consommateurs ont-ils retrouvé l’envie de concrétiser leurs rêves? Difficile de se faire une idée précise tant les informations disponibles divergent et se contredisent. Seule certitude: après avoir connu quatre années euphoriques avec plus de 10% de croissance par exercice, l’heure est à l’humilité et à la remise en question. «L’industrie du luxe vit une expérience jamais connue. Ce nouveau paysage exige de se réinventer du tout au tout», selon le groupe de recherche américain Luxury Institute, référence en la matière.
Si beaucoup de sociétés ont senti le vent tourner et se trouvent dans une phase de métamorphose rapide, d’autres continuent de résister à ces changements inévitables. Ainsi, Luxury Institute qualifie l’ancienne ère du luxe de château fort, doté de hauts remparts, dirigé par des élites recroquevillées sur elles-mêmes. Soit un système fermé dont les dirigeants pensent que le succès dépend de leur propre génie créatif et de leur connaissance (ou perception) de ce qui est le mieux pour les consommateurs de luxe. L’institut lui oppose un nouveau concept, qui va prévaloir demain, celui de système ouvert. Il s’agit d’une forêt tropicale, sensible aux considérations écologiques. Une campagne organique et dont la durabilité dépend de sa faculté à «s’adapter rapidement et élégamment, en collaboration avec son environnement immédiat». Maître mot, la flexibilité. Une approche révolutionnaire que Luxury Institue décline en douze règles. Parmi les plus importantes, on peut citer l’obligation d’adapter les process aux clients ou celle de créer une relation à vie avec le consommateur et pas seulement au moment de l’achat. Ce qui peut passer par une différenciation marketing encore plus poussée, par exemple par lieu d’implantation géographique.
De plus, les groupes doivent s’intéresser rapidement au phénomène des réseaux sociaux afin de participer à la discussion transparente qui a lieu sur leurs marques. Par ailleurs, le luxe, qui est progressivement descendu dans la rue et s’est ouvert au plus grand nombre, doit en finir avec ce processus de «démocratisation de masse». L’industrie est invitée à retrouver la rareté et la singularité et instaurer une nouvelle forme de fascination. Il faut que le produit quitte la sphère de la production à large échelle pour retrouver celle de l’art.
A plus court terme, cette semaine donnera des indications capitales pour se faire une idée plus précise de l’état de convalescence de la branche. LVMH vient de publier publier ses résultats après six mois. Bulgari dévoilera les siens jeudi. La semaine dernière, Hermès avait surpris en bien, en annonçant des ventes en hausse de 7,6% au premier semestre, à 874,9 millions d’euros. Estimant que le creux de la vague est désormais dépassé, Bank of America vient de revaloriser le luxe, relevant les objectifs de cours de LVMH, L’Oréal, Christian Dior et PPR. Autre signal positif, le Luxury Consumption Index, publié par Unity Marketing, a crû de 18,6 points à 74,3 au deuxième trimestre, la plus importante progression depuis la création de cette valeur en janvier 2004. L’indicateur prend en compte les achats de biens de luxe des consommateurs américains aisés.
Une nouvelle impression a toutefois émergé ces dernières semaines : la situation s’est quelque peu amélioré au deuxième trimestre par rapport aux trois premiers mois de l’année. La houache du paquebot luxe hésite encore mais il semble que les dernières tendances soient plus positives. Au regard de la base de comparaison favorable que constitue le quatrième trimestre 2008, il est désormais envisageable que le redressement - certes à bas niveau - se confirme définitivement.
Un optimisme, ou une envie d’optimisme, qui tranche avec les chiffres diffusés précédemment. Ainsi, le numéro un mondial du diamant, le groupe minier sud-africain De Beers a indiqué que sa production en carats avait baissé de 73% au premier semestre 2009 à cause de la crise, à un niveau plus vu depuis 1974. Ses ventes ont atteint 1,711 milliard de dollars contre 3,74 milliards l’an dernier. Reprenant à son compte une impression qui fait toujours plus d’adeptes, Pam Danziger, présidente d’Unity Marketing, estime que les ventes de luxe ne retrouveront jamais les niveaux atteints précédemment. Même au sortir de la récession.
Bastien Buss
AGEFI |