Ulysse Nardin - 15 millions investis à La Chaux-de-Fonds
 
Le 28-09-2009

La manufacture finalise l’extension de son bâtiment. Les sites du Locle et de La Chaux-de-Fonds tournent à nouveau à plein régime.

Rolf Schnyder, propriétaire de la manufacture locloise Ulysse Nardin, n’est pas outre mesure ébranlé par la crise économique. Bien-sûr, sa société ne peut se soustraire aux vents contraires, mais le capitaine continue de faire évoluer avec sérénité son navire pour essayer d’éviter les écueils. Avec une réussite certaine puisque ses sites du Locle et de La Chaux-de-Fonds tournent à nouveau à plein régime.

Au premier trimestre, en raison du recul de la demande et malgré son positionnement de niche sur des pièces de très haute complication, 240 employés avaient été mis au chômage partiel, pour trois mois. Mieux encore, les investissements se poursuivent, avec la finalisation de l’extension de son bâtiment dans la ville horlogère, désormais inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco.

Comment vivez-vous cette période de récession?
Ce n’est de loin pas la première crise que je dois affronter et malheureusement il y en aura d’autres. On ne peut s’affranchir de ces cycles. Il convient de garder la tête froide et réagir rapidement. C’est ce que nous avons essayé de faire.

C’est-à-dire?
Nous avons compris dès 2008 que la mécanique se grippait. Face à la baisse attendue des commandes, nous avons réduit nos coûts. Notamment en recourant au chômage partiel pour l’ensemble de notre personnel de production durant trois mois. Depuis, le 1er septembre, tous les employés travaillent cependant à nouveau à 100%, avec un effectif toutefois réduit suite à des licenciements économiques de 21 personnes et quelques départs naturels.

Dans quel cycle de la crise évolue le secteur?
Le creux de la vague est désormais passé. Nous nous trouvons dans une phase de stabilisation, mais à bas niveau. La reprise viendra plus tard. Elle sera caractérisée par sa lenteur et sa fragilité.

Dans quelle mesure êtes-vous impacté?
Nous nous en sortirons. La société restera bénéficiaire cette année. Nous sommes persuadés que nous allons gagner de parts de marché. J’ai l’intime conviction qu’Ulysse Nardin sortira renforcé de la crise. Contrairement à d’autres horlogers, nous n’avons pas des stocks pour une année ou même dix-huit mois. Sur certains de nos produits, comme la collection Gengis Khan, il existe encore une liste d’attente, malgré leur prix, soit quelque 740 000 francs. L’an passé, la société a écoulé 21 000 montres. Un chiffre qui sera inférieur cette année. L’objectif de 40 000 pièces à terme est maintenu. Il faut juste faire preuve de patience!

Combien d’employés avez-vous?
Lorsque j’ai racheté la société, au bord du gouffre, en 1983, elle comptait deux employés. Aujourd’hui, nous sommes 210 collaborateurs, répartis sur les deux sites. Ce chiffre dépasse les 300 si l’on prend en considération notre propre réseau de distribution, que nous maîtrisons à 80%, avec des entités en Italie, en Allemagne, à Moscou, à Shanghaï, à Kuala Lumpur, Hong Kong, Taiwan ou encore aux Etats-Unis.

La situation sur ce marché, où vous réalisez 30% de votre chiffre d’affaires, s’améliore-t-elle?
Il convient d’utiliser l’imparfait, car cette part va diminuer cette année. Ce pays souffre encore terriblement. Prenez par exemple Palm Beach. Depuis l’affaire Madoff, c’est une catastrophe, plus rien ne s’y passe. Des magasins, des détaillants font faillite. Dans le reste du pays, les consommateurs restent tétanisés. Les stocks ne dégonflent pas et le fléau du marché gris se poursuit. Le secteur a toutefois débuté son assainissement: des détaillants éjectent de leur portefeuille les marques qui ne se vendent pas. Heureusement, pas la nôtre. Cela dit, les Etats-Unis sont entrés dans une nouvelle phase de la crise, qui risque de durer bien longtemps. Celle des défauts de paiement liés aux cartes de crédit. Ses répercussions ne font que débuter.

D’où viendra la reprise?
Cela peut paraître un lieu commun, mais la Chine conserve un potentiel intact. C’est dans une certaine mesure là que se joue l’avenir de l’horlogerie suisse. Bien plus que l’Inde, dont les perspectives à mes yeux sont nettement exagérées. Du moins pour l’instant. Certes, les droits de douane ont diminué, mais chaque Etat prélève encore des taxes très dissuasives. La Russie est également prometteuse.

Vous poursuivez vos investissements
En effet. Nous venons d’inaugurer l’extension de notre site de fabrication des mouvements mécaniques à La Chaux-de-Fonds. Pour un investissement total de 15 millions de francs qui font partie d’un effort global de 60 millions de francs répartis sur dix ans. Ce qui nous permet de garantir notre indépendance technologique. Les investissements, notamment dans la recherche et le développement, vont par ailleurs se poursuivre. Nous ne versons pas de dividende. Tous nos bénéfices sont réinvestis pour le futur de l’entreprise.

A court terme, quelles sont les perspectives pour l’horlogerie?
Assez contrastées, variant selon les marchés, mais globalement plutôt faibles. Cela ne va pas reprendre rapidement. Les temps ont changé. De nouvelles mesures de restructuration devront être mises en place par certains.

Y aura-t-il une sorte de consolidation?
De nombreux dossiers circulent. Le maître-mot de ces prochains mois risque d’être recapitalisation. Surtout pour les nouvelles marques, financées auparavant par le private equity, les business angels et les funambules de la finance. Comme ils n’ont pas plus d’argent, ce château de carte sans légitimité risque de s’écrouler. Il n’est désormais plus possible de faire du haut de gamme sans substance. Du moins je l’espère vivement.

Dans ce pataquès, quel sort pour Ulysse Nardin?
L’indépendance, l’indépendance, l’indépendance.

Vous lancez une nouvelle montre. Quelle signification a-t-elle pour vous?
La Moonstruck est l’aboutissement de six ans de recherche et développement, de fiabilisation et désormais de mise sur le marché. Pour nous c’est une sorte de tournant. Une vraie innovation pour nous après celle de l’échappement Dual en silicium. C’est la maîtrise industrielle de cette technologie.

Mais encore?
La Moonstruck est une création entièrement développée et conçue au sein de la manufacture. Le concept est basé sur le système du soleil, de la terre et de la lune, avec au centre une représentation scientifiquement précise des phases de la lune, ainsi que de l’influence de la gravitation lunaire et solaire, qui résulte dans le flux et reflux des marées. N’est-ce pas poétique?
Interview Bastien Buss

AGEFI

 

Copyright © 2006 - 2024 SOJH® All Rights Reserved