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Designers industriels, Anouk Danthe et Olivier Leu créent une manufacture. Un pari audacieux en période de creux conjoncturel.
C’est une vieille bâtisse entièrement rénovée, au milieu du village de Lully, comme on en voit dans les vallées horlogères du Jura. Anouk Danthe et Olivier Leu rêvent de faire de cet ancien collège une petite manufacture de montres haut de gamme. A deux pas du Léman. Toutefois, pour l’heure, il n’existe que quelques prototypes de la future pièce à complications basée sur le tourbillon qui sera présentée au Salon mondial de l’horlogerie de Bâle, au printemps prochain.
Les soubresauts de la conjoncture ont modifié les plans du couple, qui avait prévu de lancer le produit cette année déjà. Mais la chute des exportations et la hausse des stocks chez les détaillants rendent plus sage un report du lancement de la nouvelle marque, appelée Revelation.
Surchauffe
Designers industriels de formation, ils ont tous deux travaillé pour de grands labels horlogers. Anouk Danthe, qui a planché chez Jaeger-LeCoultre, Omega et Audemars Piguet, s’était pourtant reconvertie dans le marketing viticole au moment de se mettre à son compte. Même si elle poursuit dans ce créneau, elle n’a pas hésité, il y a quatre ans, à se lancer dans cette aventure.
A ce moment-là, les grandes maisons tournaient à plein régime et de nombreux créateurs en ont profité pour lancer leur propre marque. A cause de cette surchauffe, les nouveaux horlogers ne trouvaient plus de fournisseurs. Si bien qu’Anouk Danthe et Olivier Leu ont été contraints de concevoir leur propre mouvement en mandatant un bureau technique.
«Plutôt que d’acquérir les composants, nous avons dû nous mettre dans la configuration d’une véritable manufacture, qui travaille en réseau avec une vingtaine de sous-traitants de tout l’arc jurassien», relève Anouk Danthe. Deux établis d’horlogers sont d’ailleurs déjà installés dans les combles de la maison de Lully. Lorsque la production démarrera, elle y verrait bien la réunion d’un ancien horloger avec un(e) jeune confrère.
La crise, une chance
Le retard de lancement de la marque a le mérite de laisser aux créateurs de Revelation le temps de préparer la commercialisation et la production en petites séries. De son côté, l’horloger peaufine la mécanique de précision des prototypes plutôt que de devoir pousser la production pour répondre à la demande. «De toute façon, il faut des années pour atteindre l’optimum d’une nouvelle montre, selon Anouk Danthe. La crise est quelque part une chance pour nous. Pendant le boom, certains indépendants n’étaient pas toujours fiables. La nouvelle génération devra être irréprochable.»
La montre imaginée par le couple se situera en haut de l’échelle des gammes, dans une fourchette de prix de 140 000 à 180 000 francs selon les métaux. Le mouvement repose sur une complication originale inspirée de Breguet, créateur du tourbillon, et comprenant une cage mobile agrandie. Mais l’innovation réside aussi dans le boîtier sophistiqué, qui rappelle les montres de poche.
Pour définir son style, Anouk Danthe explique que Revelation veut marier deux approches de la haute horlogerie: celle des montres classiques, avec une lecture de l’heure épurée, et celle des nouveaux horlogers – en évitant cependant la surenchère technologique – avec une mécanique high-tech qu’on découvre grâce au système de «montre-capot». Un peu comme une Ferrari, ose-t-elle comparer: «On voit d’abord la belle carrosserie, mais lorsqu’on soulève le capot, on s’émerveille pour la mécanique.» Dans la montre Revelation, cela se traduit par une lunette en verre polarisé, qui se rabat pour cacher le mouvement et lire.
Jean-Marc Corset
24 Heures |