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Face à une conjoncture difficile, les producteurs de diamants hésitent sur leur politique de production.
Il aurait dû battre un record. Peut-être est-ce là ce qu’attendait son propriétaire qui, au travers de la maison Sotheby’s, tentait, lors de ses enchères d’automne à Genève, de vendre un splendide diamant bleu de 5,96 carats. Las!
La merveille n’a pas trouvé preneur à la différence d’autres diamants de couleur mis en vente ce jour-là. Peut-être son prix, proche des 6 millions de francs, a-t-il fait peur. Et pourtant, le vendeur comme son intermédiaire pariaient sur une nouvelle pêche miraculeuse. En mai dernier, un autre diamant bleu, négocié par Sotheby’s, crevait le plafond. Pour ces 7,04 carats d’un bleu exceptionnel, d’une pureté inégalée, un homme d’affaires de Hongkong avait accepté de débourser la somme vertigineuse de 10 498 500 francs suisses.
Un site exceptionnel
La pierre, tout comme celle qui était en vente il y a deux jours, venait de la mine de Cullinan, en Afrique du Sud, un site exceptionnel. C’est dans cette même mine qu’a été découvert en septembre un gigantesque diamant blanc de… 507 carats. Son propriétaire, Petra Diamonds Ltd, n’a pas encore décidé quand elle le commercialisera.
Dans l’immédiat, cette société entend surtout accroître sa participation dans la mine de Cullinan qu’elle a commencé à racheter au numéro un mondial, de Beers, en 2007, avec une première enveloppe de 125 millions de dollars. Hier, sa direction a annoncé son intention de lever 100 millions de dollars supplémentaires pour doubler sa participation dans la mine et l’amener à 73%.
Pierres rayées par la crise
C’est dire que Petra Diamonds a plus confiance que jamais dans les rendements annoncés de ce filon. Cullinan contiendrait l’équivalent de quelque 204,6 millions de carats. La production annuelle de la mine approche actuellement le million de carats. Petra Diamonds aimerait voir ce chiffre passer à 2,6 millions de carats.
Cette volonté d’augmenter la production ne concerne pas seulement cette société. Mais également toutes les autres. Une volonté d’autant plus étonnante que le diamant revient de loin. Si même il en est revenu. La crise économique ne l’a pas épargné. Les ventes au détail ont plongé, avec généralement toutes celles de la bijouterie. Un symptôme particulièrement évident aux Etats-Unis. Du côté des producteurs, il a donc surtout fallu éviter de participer à l’engorgement du marché.
Mais aujourd’hui que la conjoncture semble enfin décidée à se retourner – dans le bon sens – la question surgit pour les producteurs de diamants de l’opportunité de relever la production. Le prix des diamants bruts aurait repris 40% depuis février. En revanche, les ventes de détail souffrent encore.
Elles pourraient ne pas dépasser 65 milliards de dollars en 2009 contre 74 milliards en 2008. On le voit, les intermédiaires sont pris entre deux feux. Des diamants taillés qui peinent à se vendre et des diamants bruts toujours plus chers. C’est donc pour les soulager que les producteurs envisagent aujourd’hui d’augmenter la production.
Mais le doute est là. Car le marché a beaucoup changé ces dernières années. Le scandale des diamants de la guerre a laissé des traces. Les Etats-Unis, 40% du marché mondial du diamant taillé avant la crise, pourraient ne plus jouer les locomotives, tandis que les pays émergents ne montrent pas encore de goût affirmé pour les gemmes les plus chères.
Seules certitudes: Internet semble être toujours plus privilégié pour l’achat de diamants au détail et les objets exceptionnels semblent s’affirmer comme des investissements refuges. A moins que le diamant bleu, malheureux à Genève, ne démontre le contraire.
Pierre-Yves Frei
Tribune de Genève |