Vianney Halter - Des montres façonnées dans l’avenir
 
Le 19-11-2009

Vianney Halter participe à la deuxième exposition internationale dédiée au mouvement artistique Steampunk.

Après New York en 2008, Art Donovan, artiste et porte-parole du Steampunk, un mouvement artistique né des nostalgiques de l’époque victorienne et de la révolution industrielle de la fin du 19ème siècle, organise une seconde exposition internationale au Musée de l’Histoire des Sciences d’Oxford jusqu’au 21 février 2010. Il a convaincu l’horloger Vianney Halter d’y exposer ses créations - modèles Antiqua, Classique et Trio Grande Date -, qui côtoient celles d’une douzaine d’artistes, dont le Japonais Haruo Suekichi. Si Vianney Halter n’a jamais revendiqué d’appartenance ouverte à ce mouvement, il se reconnaît volontiers dans cet univers imaginaire où l’avènement de la machine à vapeur annonçait les exploits du capitaine Nemo et autres Phileas Fogg.

Etes-vous un artiste Steampunk?
Il y a 10 ans, quand j’ai créé l’Antiqua, je n’avais pas l’intention de faire une montre Steampunk, car je ne connaissais pas ce mouvement artistique. Au contraire, c’était la première fois que je pouvais réellement m’exprimer en tant qu’horloger et j’ai surtout cherché à faire une montre très personnelle, sans lien direct avec une époque ou un style en particulier. C’est Art Donovan qui a fait le rapprochement entre mes créations et ce mouvement. Il m’a initié à cet univers à l’occasion de l’exposition. Je dois dire que j’ai été heureusement surpris et les artistes que j’y ai rencontrés m’ont séduit par la passion qui les animait et le plaisir manifeste qu’ils prenaient à être là. Par de nombreux aspects, je me suis senti plus proche d’eux que de certains horlogers.

C’est-à-dire?
Dans l’industrie horlogère, la plupart des conversations tournent autour du degré de complication des montres, de la qualité des finitions ou de préoccupations purement financières. A Oxford, tous les exposants se respectent et s’apprécient, ils travaillent le métal avec passion et ingéniosité mais ce n’est pas leur centre d’intérêt principal. Ils s’intéressent aussi à la littérature, à la musique, au cinéma. Nous avons parlé autant de technique que de la vie en général.

Et Haruo Suekichi?
Haruo est un artisan japonais qui fabrique des montres volontairement Steampunk. Il n’est pas véritablement horloger, il utilise les montres comme mode d’expression. C’est sa façon de nous faire contempler son univers. Pour ma part, je n’imagine pas porter une montre que je n’aurais pas entièrement fabriquée moi-même. Notre intention est la même - projeter dans la matière ce qui nous habite. Mais les voies que nous empruntons sont différentes: je fabrique mes montres alors qu’il transforme les siennes. J’ai également tendance à penser que ses montres s’inscrivent dans l’éphémère alors que les miennes se veulent plus pérennes dans le temps.

D’autres marques horlogères telles que Romain Jerome se revendiquent du Steampunk, qu’en pensez-vous?
Je n’y trouve pas la spontanéité que j’ai ressentie à Oxford. Par ailleurs, le Titanic évoque un épisode tragique qui a endeuillé de nombreuses familles. A mon sens, le mouvement Steampunk est plus porté vers le génie industriel du 19ème siècle. Il fait référence à une période porteuse d’espoir où l’homme avait confiance dans le progrès et où l’imagination des inventeurs n’avait pas de limite.

Considérez-vous que vos montres sont des «reliques du futur», comme on a pu le lire?
En quelque sorte. J’aime l’idée qu’elles auraient été façonnées dans l’avenir - ou un monde parallèle - et qu’elles auraient profité d’une brèche dans l’espace-temps pour se matérialiser dans le présent, décalées et anachroniques. Depuis l’Antiqua, faire des montres intemporelles - j’entends par là impossible à dater - est devenu un challenge pour moi.

Au musée d’Oxford, vous avez croisé une horloge conçue et fabriquée par votre illustre inspirateur, Antide Janvier, un horloger français du 18ème siècle connu pour ses planétaires et ses horloges indiquant les marées. Qu’a-t-elle de particulier?
C’est une pièce dont la qualité d’exécution est extrêmement pointue. Au-dessous de la sphère qui la coiffe se trouvent deux cadrans de 10 heures hérités de la révolution française, qui avait imposé les journées de 20 heures et les semaines de 10 jours. D’autre part, elle est la seule que j’ai jamais vue qui porte les 3 aiguilles emblématiques de ses œuvres regroupées sur un cadran unique. Jusque-là, je pensais être le premier à l’avoir fait avec mon modèle Classique, qui est un hommage à ses travaux. Il aura fallu qu’un homme venu de l’autre côté de la planète me trouve sur Internet et me fasse aller à Oxford pour que je la découvre.

Antide Janvier était-il Steampunk avant l’heure?
Au contraire, il était entièrement tourné vers l’avenir et très en avance sur son temps et ses contemporains. C’était un visionnaire dont l’œuvre me fascine parce qu’elle reste ultramoderne après plus de 2 siècles. Antide Janvier était, à sa façon, un véritable génie cyberpunk.

NDLR: le mouvement cyberpunk associe, entre autres, science-fiction et technologies futuristes.

Propos recueillis par Anaïs Georges du Clos - Worldtempus

Communiqué
«Abandonnant l'académisme des vitrines horlogères, Vianney Halter a imaginé un présentoir évoquant les machines scientifiques et les cabinets de curiosité de la fin du XIXème siècle. Un polyèdre rhomboïde tronqué à 14 côtés est posé comme un énorme diamant bleu nuit dans la vitrine blindée.

Sur deux de ses côtés, les montres Antiqua, Trio et Classic sont installées sur des supports en laiton nickelé. Sur une face médiane, le visage perplexe de Vianney Halter apparaît derrière un hublot riveté semblable à celui des écrins rotatifs de la marque.

Au sommet, ont été installés quelques-uns des tubes électroniques anciens que Vianney Halter collectionne depuis des années et un manomètre antique, achevant de donner à l'ensemble l'allure d'une expérience scientifique mystérieuse.

Toute les 70 minutes, à la grande surprise des visiteurs, le visage de Vianney Halter se met à tourner pendant 1 minute pour ensuite s'immobiliser à nouveau, comme une allégorie du mélange des idées qui se fait à l'intérieur du crâne de ce créateur hors normes.»

 

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