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Nathalie Veysset, CEO de Montres DeWitt, ne l’exclut pas: la branche s’expose désormais aux dégâts les plus importants.
Regard cristallin, yeux ensorceleurs, sourire irradiant. De Nathalie Veysset, CEO de Montres De- Witt, émane un charme naturel. Et une sérénité apaisante, malgré le tsunami que traverse l’industrie dans son ensemble. La directrice générale de la société genevoise basée à Meyrin, une des seules femmes à ce niveau dans la branche, reste philosophe face aux tourments. Et, fait encore plus rarissime dans l’horlogerie, délivre quelques chiffres sur la marche des affaires de l’entreprise. Une ouverture d’esprit qui provient peut-être de son parcours professionnel, essentiellement banquier.
Par rapport à son poste de direction au Credit Suisse, elle a surtout été frappée par la différence de rythme. Dans une banque, il convient d’être hyperréactif. Bien faire son travail dans l’horlogerie implique de laisser du temps au temps. La haute horlogerie exige une méticulosité et un savoir- faire impressionnants, selon elle. Avant le début de la récession, le chiffre d’affaires de la société active dans le haut de gamme était estimé à quelque 40 millions de francs. Rencontre dans le cadre de la XIIIe Journée internationale du marketing horloger, qui a eu lieu hier à La Chaux-de-Fonds.
Comment se porte la société DeWitt?
Comme tout le monde dans l’industrie: les vents ne sont pas très porteurs. Au-delà de ce constat, il s’agit toutefois d’une année très riche en défis. Cette période chahutée permet de faire un gros travail à l’interne, d’introspection, de restructuration et de procéder à des choix économiques pour l’avenir de l’entreprise.
Au niveau des coûts également…
Bien sûr. Mais cette approche a débuté chez nous bien avant le déclenchement du marasme conjoncturel. La société a grandi très vite, peut-être trop, ces dernières années. Les effectifs sont notamment passés en dix-huit mois de 24 à 85 personnes, avec également deux déménagements à la clé. Cela faisait un moment déjà que nous éprouvions le besoin de souffler un peu. Dès le printemps 2008, nous nous sommes d’ailleurs posé la question de savoir si nous désirions continuer de croître au même rythme, malgré notre vigilance en termes de stocks, de sell out et de production. La décision a été prise de freiner quelque peu. Surtout qu’à ce moment-là des doutes nous assaillaient déjà sur la progression réelle ou virtuelle des marchés.
C’est-à-dire?
La situation financière de quelques détaillants se délitait. Les délais de paiement s’accroissaient. Nous avons donc décidé de reconsidérer nos relations commerciales avec certains de nos partenaires. Un travail qui s’est poursuivi cette année. Résultat: un réseau qui est passé d’une centaine de points de vente à 80 aujourd’hui. Avec ceux que DeWitt a gardé, nous avons mis en place un travail de proximité, qui manquait peut-être auparavant.
La société a également dû ajuster ses effectifs…
En effet. En raison du ralentissement des commandes, nous avons été contraints de licencier cinq personnes l’an passé. Nos effectifs s’élèvent aujourd’hui à 67 personnes, suite à des départs naturels. Mais il n’y a pas eu d’ajustement depuis et pas davantage de réduction des horaires de travail. Nous avons toujours voulu protéger le savoir-faire et la formation de nos horlogers. Notre engagement est de préserver, coûte que coûte, le secteur de la production.
Sur quoi de Witt s’est-il concentré cette année?
Outre les éléments déjà mentionnés, nous avons encore nettement augmenté la qualité de nos produits. Par ailleurs, le sur-mesure a connu un développement très intéressant, avec une demande en hausse sur ce segment.
Combien de pièces allez-vous écouler cette année?
Moins que les 2000 de l’an passé. En fonction de l’évolution des commandes et des ventes de fin d’année – heureusement nous n’avons jamais eu de stock auprès des détaillants –, le recul du chiffre d’affaires pourrait osciller entre -30% voire -40%. Volontairement, nous ne livrons pas toutes les pièces demandées, ou alors seulement si le détaillant a les capacités financières de les honorer.
Percevez-vous des signes de reprise?
Oui. D’abord, il convient de préciser que tous les marchés n’ont pas été impactés de la même manière. La Chine et l’Asie dans son ensemble connaissent pour De- Witt une très forte croissance. Le potentiel reste intact en Amérique latine. La Russie demeure plombée et, au Proche-Orient, règne encore beaucoup de passivité. Reste que, et c’est plutôt rassurant, on ressent même des frémissements d’embellie aux Etats-Unis.
A quand une vraie sortie de crise?
Je ne suis pas sûre que l’industrie ait vraiment touché le fond. La visibilité reste aussi faible qu’en 2008 ou cette année. Peut-être que le gros de la tempête reste encore à venir. C’est maintenant que les dégâts les plus importants pour la branche risquent de survenir. Tout un chacun a essayé ces derniers mois de vivre sur ses réserves, même les grands groupes. Celles-ci s’épuisent ou ont même disparu pour certains horlogers ou fournisseurs.
Des nouveautés à annoncer pour Baselworld 2010?
Bien évidemment, il est indispensable de continuer à innover et faire évoluer le produit. Nous en dévoilerons plus à l’occasion du salon. Mais 2009 sera à marquer d’une pierre blanche, avec notre premier mouvement maison, entièrement réalisé à l’interne.
Interview Bastien Buss - AGEFI |