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Albert Boghossian sort de l’ombre pour imposer son art
Le bureau d’Albert Boghossian témoigne sans conteste de son amour pour les belles pièces. Sa collection personnelle, présentée un peu à la manière d’un musée, recense des bijoux précieux qui traversent les siècles. Dans son antre, au cœur de Genève, cet Arménien du Liban se confie. A dose homéopathique et en toute modestie. Trente ans de carrière lui ont toutefois soufflé cette envie: sortir de l’ombre. Après avoir travaillé avec d’autres joailliers, il veut faire éclore sa propre marque, Bogh-Art, créée en 2008.
Issu d’une famille de commerçants-bijoutiers, il rejoint d’abord son frère au centre diamantaire à Anvers. En arrivant à Genève, il troque quelque peu son profil de marchand de gemmes pour celui de créateur. Il veut désormais laisser sa trace, sa signature. «Je travaille sur les contrastes. Le mélange des couleurs, la manière de tailler les diamants – ce qui leur confère des brillances différentes, l’audace qui côtoie la sobriété, etc. Je veux étonner», insiste-t-il.
Autre trait: il se démarque par sa technique d’incruster les pierres, en remettant une ancienne technique, complexe, au goût du jour. Mais il regarde aussi vers l’avant avec l’utilisation de nouvelles matières, comme les fibres de carbone ou d’aluminium.
Rejoint par ses deux neveux Roberto et Ralph, portant l’histoire familiale à quatre générations, Albert Boghossian emploie une dizaine de collaborateurs et réalise l’essentiel de ses pièces de haute joaillerie dans des ateliers helvétiques. «La taille des corps de pierre est-elle réalisée en Allemagne, précise-t-il. Mais les pièces très onéreuses sont fabriquées dans le pays.» Il faut lire entre les lignes que c’est une manière pour le créateur de ne pas les perdre de vue.
Car si Bogh-Art possède une gamme accessible via la collection Inlay (dès 6000 francs la bague), d’autres bijoux, parfois commandés par des princesses pour leur mariage, se chiffrent à plusieurs millions de francs. Le commun des mortels n’a alors que les yeux pour admirer cette belle parure couleur ocre que le maître des lieux présente fièrement.
Nouvelle boutique
La crise a-t-elle touché ses clients, «bien souvent des amis», qui viennent d’Europe, de Russie et du Moyen-Orient essentiellement? Point. Mieux, le dirigeant de 51 ans a constaté que cette période tumultueuse avait servi son métier. «Les pierres, au-delà de l’émotion, ont retrouvé leur valeur refuge. D’ailleurs, je pense que cette tendance va s’affirmer dans les dix prochaines années, poursuit Albert Boghossian. Investir dans la pierre deviendra intéressant en termes de diversification des placements.»
S’il ne dévoile aucun chiffre, le joaillier compte sur l’exercice 2010 pour dynamiser sa présence internationale. Il participera aux foires à travers le monde, comme Baselworld en mars, avant d’investir sa nouvelle boutique à la rue du Rhône à Genève, d’ici à un an et demi. Puis il compte ouvrir un deuxième point de vente dans une capitale européenne ou en Asie. Pas de doute, entouré de sa tribu, Albert Boghossian veut faire éclater son art. Et développer la marque Bogh-Art, porte-drapeau d’un vécu, d’une histoire, d’un amour incommensurable pour les «belles choses».
Marie-Laure Chapatte
Le Temps |