La manufacture delémontaine Swiza à un tournant
 
Le 11-03-2010

Un vent de renouveau souffle sur la manufacture de pendulettes delémontaine. L’objectif de son nouveau patron, Arnaud Nicolas: devenir rentable en 2011

«Deux épées en duel qui basculent pour croiser le fer dans l’autre sens. Ce logo animé constitue notre nouvelle réserve de marche pour nos pendulettes haut de gamme L’Epée, notre signature en quelque sorte. Nous y avons introduit notre nouveau mouvement de 40 jours, contre seulement 8 auparavant. La double seconde rétrograde…» Arnaud Nicolas est intarissable sur les innovations technologiques proposées par Swiza depuis peu.

Issu des microtechniques, ce Français fait ses premières armes en Suisse et dans l’horlogerie avec un défi de taille: rendre la manufacture de pendulettes de Delémont rentable. Swiza périclitait, les déficits s’accumulaient, quand Sébastien Mérillat, via sa holding familiale Mecap, décide de s’emparer de cette centenaire pâlissante au milieu de l’année dernière, en pleine crise.

L’exercice 2009 fut difficile, avec des baisses de volumes qui ont atteint 60% sur le premier semestre. «Nous fournissons d’autres marques et ces volumes de sous-traitance se sont littéralement effondrés, explique le nouveau directeur général. Nous avons été très largement déficitaires, même si nous avons commencé à redresser la barre au quatrième trimestre.» Quelques licenciements ont dû être prononcés et le chômage partiel utilisé.

Montée en gamme

Dès leur arrivée, les nouveaux propriétaires décident de revoir la stratégie pour sauver la manufacture, qui emploie une trentaine de collaborateurs dans la zone industrielle. «Le problème est que nous avions des produits qui plaisaient à tout le monde, mais qui ne convainquaient personne. Bref, un look un peu passe-partout qui ne fait pas vendre.» Alors la PME jurassienne repositionne ses trois marques propres en élevant L’Epée en haut de la hiérarchie (à partir de 2500 francs), devant Matthew Norman. «Historiquement, ces deux noms se battaient sur la même clientèle, nous devions éliminer cette concurrence», détaille-t-il. Les pendulettes à quartz Swiza (entre 300 et 2000 francs) complètent notamment le portefeuille. Une remontée en gamme générale qui a pour but de se distancier de la concurrence asiatique.

Tic-tac, tic-tac. A une semaine de la Foire de Bâle, le temps semble s’écouler trop vite – et les heures supplémentaires s’accumuler – pour les petites mains de la manufacture, qui entend dévoiler son potentiel lors de cette grand-messe. «Nous avons sorti 34 nouveaux produits. Cela va à l’encontre des habitudes, mais nous devions absolument nous renouveler», poursuit Arnaud Nicolas. Par exemple, une ligne de produits destinée à la gent féminine, passée sous silence jusque-là, a été créée. Entourée de pendulettes, la salle de conférence témoigne de l’éclectisme ambiant. Les passionnés peuvent par exemple y découvrir des mouvements nus, où pureté et modernité se fondent pour surprendre.

Forte de ses 17 mouvements mécaniques et de ses 11 mouvements quartz, Swiza veut trouver un équilibre entre ses marques propres et ce qu’elle fournit aux autres maisons en 2010, qui représentait jusque-là une part plus importante du chiffre d’affaires. «Nous investissons de manière importante, c’est pourquoi nous ne serons pas encore à l’équilibre cette année», prévient le dirigeant. Sur les objectifs de vente, la discrétion prime. «La capacité annuelle est de 50 000 pièces», glisse-t-il seulement.

La PME restera à Delémont

La manufacture jurassienne veut également profiter de Baselworld pour renforcer son réseau de distribution. L’Asie constitue une priorité, car hormis le Japon, Swiza n’y est pas présente. «Nous cherchons également un distributeur pour les Etats-Unis, enchaîne le patron. Et puis n’oublions pas que la pendulette n’est plus une pièce d’horlogerie – vous avez l’heure partout dans la maison, du four au téléphone –, mais une pièce d’ornement. C’est pourquoi nous développons le canal de la décoration et de l’architecture d’intérieur.»

Pour devenir rentable, Swiza travaille sur ses coûts de production en développant et modernisant son outil de production, en augmentant ses volumes et en rationalisant ses taux de redondance des composants – quelques inadéquations ont été mises au jour en la matière. Elle doit également comprimer l’ensemble de ses charges. Sur ce point, Mecap holding a décidé de réunir le bureau Exidel de Moutier, qui fournit le «génie» technique, et la manufacture sous un même toit cet été. «Nous revoyons le système informatique et nous réorganiserons le flux car nous devons gagner en efficience», souligne Arnaud Nicolas, qui précise que la manufacture restera à Delémont. Pierre Schwab, propriétaire des deux bâtiments actuels et petit-fils du fondateur de Swiza, est parti en quête de nouveaux locataires: «Mais dans le contexte actuel, ce sera difficile.»

Avec le rapprochement des ingénieurs et la refonte de ses processus, Swiza n’a plus les limites qu’elle avait auparavant. «Nous sommes même capables d’apporter des solutions grâce à notre expertise dans les matériaux, se réjouit le patron. Regardez ce noir profond. D’autres maisons horlogères nous l’envient…» Intarissable, écrivait-on en préambule.
Marie-Laure Chapatte

Le Temps

 

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