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Le directeur de la marque chaux-de-fonnière est optimiste, mais doute encore de la solidité de la reprise. Le rebond de la demande s’explique à 75% par des raisons techniques
Comme de nombreuses sociétés horlogères en vue, Tag Heuer aborde l’exercice 2010 avec des objectifs ambitieux. «Nous visons une croissance à deux chiffres», lance Jean-Christophe Babin, directeur de l’entreprise basée à La Chaux-de-Fonds, rencontré vendredi sur son stand de Baselworld. Il ajoute que son entreprise, qui fête ses 150 ans cette année, a «beaucoup moins reculé» en 2009 que les 22,4% de baisse des exportations horlogères totales. Des chiffres? Le groupe n’en donne pas, mais les analystes évaluent grosso modo ses ventes à 800-850 millions de francs l’an dernier, pour 500 000 à 700 000 montres écoulées.
Derrière les budgets de cette filiale du géant français du luxe LVMH, il y a néanmoins la réalité du terrain qu’un expert du marché comme Jean-Christophe Babin ne veut pas écarter d’un revers de main. «Toute la question est aujourd’hui de savoir si la reprise est durable. J’estime le rebond actuel à 75% technique (ndlr: reconstitution de stocks), une part qui n’a par définition qu’une durée de vie limitée. Seuls les 25% résultent de la demande», analyse-t-il. Une prudence qui recoupe celle du président de Swatch Group, Nicolas Hayek, pour qui il faut s’attendre à un ralentissement de la croissance au second semestre.
Incertitudes ou non, la marque mise beaucoup sur son nouveau chronographe à colonne, dévoilé l’an dernier. Un mouvement lancé sur fond de polémique – en particulier sur Internet – en raison de son origine japonaise. Jean-Christophe Babin reconnaît aujourd’hui qu’il y a eu une erreur de communication: «Nous aurions dû expliquer que la propriété intellectuelle avait été achetée à Seiko.»
Reste que ce n’est pas tellement le fait que Tag Heuer n’ait pas développé lui-même le mouvement qui a choqué, car l’industrie horlogère est coutumière des rachats de brevets, mais bien sa provenance asiatique, poursuit le manager. Ce fait est désormais pleinement assumé.
Chine inexploitée
Sur le front des effectifs, l’entreprise compte environ 1000 collaborateurs, dont 450 en Suisse, répartis entre Cornol et le siège de La Chaux-de-Fonds. Les diminutions d’effectifs nécessitées par la crise se sont faites par la non-reconduction de contrats temporaires. Quelques licenciements ont par ailleurs dû être prononcés en raison du développement du nouveau mouvement – qui nécessite des compétences différentes de l’assemblage pratiqué jusqu’alors –, mais parallèlement, l’entreprise a recruté une cinquantaine de collaborateurs.
Toujours sur le plan opérationnel, le directeur souligne que la récession a accéléré l’évolution de l’assiette des marchés clés de la marque. Ces derniers étaient historiquement les Etats-Unis et l’Asie (surtout le Japon), avec des faiblesses en Europe. Désormais, 35% des ventes sont réalisées aux Amériques, 35% en Asie et 30% en Europe et au Moyen-Orient. Une situation très confortable lorsque l’on sait que la Chine reste largement inexploitée par Tag Heuer: «Jusqu’à la fin 2008, nous n’y avions pas notre propre filiale. Ce «manquement» est désormais réparé et notre potentiel de croissance y est extraordinaire», s’enthousiasme Jean-Christophe Babin.
Philippe Gumy
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