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Il y a des succès industriels que le monde économique ne voit pas venir. Il en existe aussi que l’on attend plus. Prenez Ebel. Portée aux nues dans les années 70 et 80, la marque horlogère chaux-defonnière était devenue tant aux yeux des professionnels que de la clientèle quelque peu désuète, pour ne pas dire ringarde. Pire: emblème de l’art horloger suisse depuis ses débuts, la société semblait avoir perdu son identité, bâtie autour du slogan fort des «Architectes du temps».
Une catastrophe pour une entreprise, synonyme de déboires financiers et commerciaux que même les tentatives successives de rachat ne parviennent pas à enrayer. Reprise à la fin des années 90 par le numéro un mondial du luxe LVMH, Ebel, trop centrée sur le segment des montres féminines, ne réussit pas à convaincre. Résultat: plus de 40 millions de pertes cumulées en 2003, des stocks qui s’accumulent et des détaillants qui s’enfuient.
Autant dire que lorsque le groupe américain Movado annonce fin 2003 le rachat de la marque en perdition pour une bouchée de pain – environ 65 millions de francs –, personne ne croit en un retour d’ Ebel sur le devant de la scène.
Et pourtant. Dix-huit mois plus tard, la société retrouve les chiffres noirs tandis que ses collections sont plébiscitées partout dans le monde, même par les plus sceptiques. Aujourd’hui, l’entreprise entend doubler sa production tout en visant à nouveau le chiffre d’affaires de ses meilleures années. Une réussite surprenante que les responsables du groupe Movado expliquent par un recentrage profond de la stratégie de l’entreprise.
Explications avec Marc Michel Amadry, vice-président d’ Ebel, en charge du marketing et du développement produit.
Pour quelle raison le groupe Movado s’est-il intéressé à la reprise d’ Ebel?
Pendant très longtemps, la marque a fait véritablement référence en Suisse avec sa signature des Architectes du temps. La société a été sous-exploitée par ses précédents propriétaires, qui ont eu une vision à court terme. Notre objectif est différent. Nous souhaitons qu‘Ebel redevienne une grande marque de façon durable.
La société a retrouvé les chiffres noirs en moins de deux ans et semble aujourd’hui jouir d’une image à nouveau très positive.
C’est un retournement de situation très rapide. Quel est votre secret?
De l’humilité! C’était la seule attitude à adopter devant l’exercice qui nous attendait. Nous avons d’abord essayé de comprendre ce qui a fait le succès de la marque puis effectué un recentrage complet. Cela n’a pas été difficile, Ebel ayant des racines très fortes, qu’il nous a fallu réexploiter.
Comment?
Notre première décision a été de réintégrer la signature des Architectes du Temps, qui avait été abandonnée par son ancien propriétaire. Cette signature a guidé notre travail de reconstruction. Puis nous avons limité le nombre de modèles (ndlr. les sept collections existantes ont été réduites à quatre) et en apportant une cohérence à l’image d’ Ebel. Les codes de la marque - lignes épurées, vis sur cadran, noblesse des matériaux, mouvements propres etc. - donne une identité à nos montres. Parallèlement, nous avons relancé le développement de nos calibres maison. Depuis 2004, nous avons sorti 3 nouveaux calibres. Cela a permis de crédibiliser notre réputation et notre expertise.
C’est cela, le concept des «Architectes du temps»?
Absolument. Nous nous situons dans la lignée de Le Corbusier qui a dessiné la Villa Turque qui est la propriété d’ Ebel et dans laquelle notre centre de relations publiques est installé. Les lignes architecturales de ce lieu sont pures, géométriques et induisent une atmosphère en mouvement. C’est une philosophie que nous partageons au niveau horloger. Nos montres doivent perdurer.
Quels sont vos objectifs financiers pour 2007?
Nous avons réalisé une croissance à deux chiffres en 2006, et visons une même croissance soutenue en 2007. Mais les choses vont très vite en ce moment dans l’industrie horlogère. Nous sommes donc en passe d’atteindre cet objectif.
Qu’en est-il de votre production?
Elle est actuellement de 50 000 montres par an. A moyen terme, nous souhaitons atteindre 100 000 pièces.
Comment s’est passé la Foire de Bâle?
Comme tous les exposants, c’est-à-dire très bien! Nos commandes sont certes excellentes, mais nous avons surtout assisté à un véritable regain d’intérêt pour notre marque des détaillants mais aussi de la presse. Cette attention s’est considérablement renforcée depuis la sortie de notre collection 1911 BTR qui symbolise le renouveau d’ Ebel. Pour nous, ces échos positifs sont plus importants que les commandes, car ils nous permettent de construire l’avenir de la marque.
De l'avantage du prix
Combien coûte une montre Ebel?
Le prix de départ pour une montre dame acier avec un mouvement quartz est de 2000 francs, tandis qu’un chronographe 1911 BTR incluant un mouvement de propriété Ebel commence à 6500 francs. C’est abordable pour la plupart des gens. Les prix peuvent ensuite monter à plusieurs dizaines de milliers de francs en fonction des matériaux et des mouvements voire à un demi-million pour la haute joaillerie.
Est-ce un avantage d’être positionné sur le segment moyenhaut de gamme?
Il y a effectivement moins de monde sur ce créneau que dans la haute horlogerie.
En revanche, il y a aussi des chiffres d’affaires beaucoup plus importants. Le gâteau est certes conséquent. Notre objectif est qu’une personne portant une montre Ebel puisse donner comme message «j’ai du goût» et non «j’ai de l’argent».
La concurrence n’est-elle pas féroce?
Il est évident que certaines marques présentes sur ce segment appartiennent à des grands groupes qui disposent de budgets médias importants. C’est surtout en cela que nous ressentons une concurrence.
L’enthousiasme que manifeste la presse pour notre renaissance nous permet toutefois d’envisager l’avenir sereinement.
Tribune de Genève |