Un esprit de reconquête souffle sur l’horlogerie
 
Le 24-03-2010

La crise a contraint les sociétés à revoir fondamentalement leurs stratégies. Les changements les plus visibles s’observent dans les gammes de prix et les campagnes de marketing

«L’année 2010 sera charnière.» Le mot lancé à l’ouverture de Baselworld, la semaine dernière, par le président des exposants, Jacques Duchêne, est une réalité bien palpable au Salon mondial de l’horlogerie et de la bijouterie. Face à leur pire crise depuis les années 1970, les fabricants de montres ont dû se remettre fondamentalement en question. Objectif: survivre, conserver le maximum de savoir-faire et surtout rebondir dès que possible.

Force est aujourd’hui de constater que loin d’être tétanisées, les cuisines managériales et marketing des sociétés ont fonctionné à plein régime l’an dernier. Chez Ebel par exemple, le président et directeur de la création de la marque chaux-de-fonnière, qui fait partie du groupe américain Movado, affirme clairement que «son esprit est désormais celui de la reconquête». Après avoir beaucoup souffert en 2009, sa société vise déjà «une croissance à deux chiffres cette année». Comment: en misant sur des garde-temps plus abordables que précédemment, dans une gamme de prix située entre 1500 et 5000 francs.

Moins de «people»

Le même esprit combatif anime la manufacture genevoise Montres DeWitt. «Après une chute de nos ventes de 32% en 2009, j’espère rattraper cette année le terrain perdu, ou me rapprocher le plus possible de ce but», confie Nathalie Veysset, sa directrice. Active dans le haut de gamme, avec un premier prix à 19 000 francs, sa société «a mené un travail de fond l’an dernier afin d’émerger de la crise avec des gains d’efficacité ainsi que dans la gestion des coûts».

Comme chez beaucoup d’autres, l’un des pans du repositionnement de DeWitt repose sur le marketing. Qui se distinguera prochainement avec une campagne décalée, pleine de clins d’œil consuméristes glissés dans des peintures classiques. Ebel abandonne de son côté la pub classique. Exit Gisèle Bündchen, ambassadrice depuis 2006: la marque misera désormais uniquement sur ses produits.

Des prix plus bas

Si elle reste fidèle aux «people», la société jurassienne Maurice Lacroix change elle aussi de registre. Elle vient de se lier au rockeur humanitaire Bob Geldof et au fondateur de Wikipedia, Jimmy Wales. Cette stratégie devrait lui permettre de se refaire une santé après avoir subi en 2009 un recul «un peu plus fort» que les 22% de chute affichés par les exportations horlogères suisses totales, explique son patron Martin Bachmann. Là aussi, la gamme de prix cible a été revue à la baisse et Maurice Lacroix se focalise sur le segment situé entre 2000 et 7000 francs. «Nous avons mis la pédale douce sur le développement de nouveaux calibres», poursuit Martin Bachmann, dont l’entreprise a pourtant fait de gros efforts pour se hisser au rang de manufacture.

Dans un Baselworld où règne l’allégresse des marques des grands groupes mondialisés, ce patron détonne un peu avec ses objectifs mesurés. «Je veux surtout stabiliser la qualité de mes affaires», assure le manager dont la société tire 60% de ses ventes en Europe et seulement 10% aux Etats-Unis. Cette prudence rejoint néanmoins celle de nombreux indépendants, à l’instar de la jeune marque vaudoise Pierre de Roche, dont les prix moyens sont de l’ordre de 10 000 francs et qui a vendu un peu moins de 200 pièces l’an dernier. Rencontré sur son stand, son patron Pascal Dubois déclare «ne voir encore aucune reprise».
Philippe Gumy

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