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Méconnue ici, l’entreprise de Granges (SO) sera le partenaire officiel du stand des villes helvétiques à l’Exposition universelle de Shanghai.
Devinette. Qu’est-ce qui est 100% helvétique, quasi inconnu en Suisse et pourtant célèbre en Chine? Titoni! Cette marque horlogère originaire de Granges (SO), née en 1919, sera le partenaire officiel du pavillon des trois villes suisses – Genève, Bâle et Zurich – à l’Exposition universelle de Shanghai, qui ouvrira ses portes du 1er mai au 31 octobre prochain.
Un honneur qu’elle a ravi à des entreprises autrement plus prestigieuses. «Nous sommes depuis cinquante ans en Chine, explique Daniel Schluep, CEO de l’entreprise. Aussi nous sommes-nous dépêchés de contacter les organisateurs suisses de ce pavillon. Notre réactivité nous a permis de décrocher ce contrat.»
Titoni illustre sans doute, à son plus grand plaisir, l’adage selon lequel nul n’est prophète en son pays. Il est tellement plus profitable de répandre la bonne parole dans l’Empire du Milieu dont la classe moyenne – avide de consommation – dépasse aujourd’hui les 200 millions de personnes.
L’opportunité communiste
Cet enracinement chinois, Titoni le cultive depuis les années 60. «A l’époque, se souvient Daniel Schluep, une délégation d’officiels chinois s’était rendue en Suisse. Ils cherchaient des marques suisses prêtes à produire pour leur marché. Beaucoup ont dit non; probablement le fait de travailler avec des communistes et pour une économie planifiée les rebutait. Nous, nous y avons vu une opportunité.» A raison. Titoni devient bientôt la seconde marque la plus prestigieuse – entendez chère – après Rado.
Pendant des décennies, Titoni propose en Chine des produits compris entre 50 et 80 francs suisses. Une somme importante pour le commun des mortels dans l’Empire du Milieu. Et pourtant, certaines années, l’entreprise soleuroise y écoule entre 50 et 65% de sa production, soit plus de 100 000 pièces. «Là-bas, il est souvent de bon ton pour un marié d’offrir une montre à son épouse», précise le directeur général.
Puis vient l’ouverture du marché chinois dans les années 90. La compétition devient plus féroce. Les marques helvétiques se précipitent en Chine. Titoni s’adapte à la nouvelle donne. Elle monte en gamme. «Mais sans jamais abandonner notre segment et notre philosophie: des montres mécaniques, d’excellente qualité, mais abordables. Le prix public moyen de nos modèles s’établit à 1000 francs environ, ce qui inclut les taxes d’importation, toujours relativement élevée en Chine.»
Des modèles qui ne sont pas sans rappeler la gamme Oyster de Rolex. Ce qui a valu une belle passe d’armes entre les deux marques au début des années 90, finalement remportée par Titoni. «C’est pour ce qui nous concerne de l’histoire ancienne», commente le CEO. Dans cet environnement chinois toujours plus compétitif, la production de Titoni a légèrement reculé.
Croissance en 2009
En 2009, l’entreprise a produit près de 150 000 pièces. Ses parts de marché aussi se sont quelque peu érodées. Les Soleurois n’occupent plus que le septième rang en Chine. Mais l’entreprise a tout de même des sources de satisfaction. «A la différence d’autres marques, nous n’avons connu aucun recul de la production en 2009, affirme Daniel Schluep. Nous l’avons même accrue. Notre ancrage asiatique nous a mis à l’abri de la crise.»
Des montres sans artifice
Titoni emploie aujourd’hui plus 53 personnes sur son site de Granges, auxquelles il faut ajouter 80 personnes en Chine qui travaillent pour la société que la marque possède en association avec un partenaire de Hongkong. «Ces gens s’occupent essentiellement de nos quatorze show-rooms en Chine, continue le directeur général. Cela dit, nous travaillons aujourd’hui avec 680 détaillants dans ce pays.»
Qu’espère Titoni en soutenant le pavillon suisse des villes? «Le thème principal de ce pavillon concerne la gestion durable de l’eau, explique Daniel Schluep. C’est en parfait accord avec notre philosophie et nos produits: des montres belles, solides, sans artifice, ni luxe inutile.»
Pierre-Yves Frei
Tribune de Genève |