Richard Mille - Sublimer la technique des moteurs
 
Le 14-06-2010

"Le rapprochement entre automobile et horlogerie a toujours été à mes yeux très superficiel et s’est souvent révélé sous forme de gimmicks, avec une approche au premier degré, les meilleurs exemples étant une paire d’aiguille ressemblant à des branches de volant de voiture ancienne, des matériaux utilisés sans raison précise, des cadrans « course », des bracelets « pneus », etc.

J ‘ai donc souhaité aborder ce domaine de manière foncière et sérieuse, en travaillant sur les aspects purement techniques, en établissant le parallèle entre les paramètres touchant l’automobile de compétition et une horlogerie visant la performance et l’excellence :

Les problèmes que j’avais répertoriés étaient les suivants:

-> Manque d’homogénéité châssis/moteur-Boîte/mouvement.
-> Manque de rigidité du bloc moteur/mouvement.
-> Frottements divers réduisant la performance.
-> Difficulté de résistance aux chocs.
-> Pièces du moteur/mouvement non-adaptées à un fonctionnement optimal.
-> Absence d’informations qualitatives sur la performance.
-> Matériaux non-adaptés.
-> Interventions techniques difficiles.

Nous avons donc, avec mon ami Giulio Papi, travaillé sur ces paramètres.

- Il serait de nos jours impensable en F1 d’étudier un moteur sans paramétrer son implantation dans le châssis! Il est de plus inimaginable d’envisager un bloc moteur flottant dans un châssis! De nos jours, les moteurs de F1 sont vissés à la coque, créant un ensemble d’une homogénéité totale.
C’est ainsi que, sur les montres MILLE, le cercle d’emboîtage a été éliminé, au profit d’une intégration parfaite mouvement/boîte. De plus, le mouvement est aujourd’hui vissé sur la boîte sur un grand nombre de références, afin d’améliorer encore cette homogénéité.


- Outre la nécessité d’avoir un moteur léger, il est très important en F1 d’éviter, sous l’effet des différentes contraintes, des déformations du bloc moteur et en particulier du vilebrequin comme cela était fréquent dans le passé. C’est ainsi qu’un grand travail a été effectué afin de rendre les blocs moteur plus compacts, avec bien sûr l’introduction de nouveaux matériaux, mais aussi en rajoutant des éléments de rigidification en particulier autour des points de rotation (nervures). La même approche a été réalisée pour les mouvements ( platine et dos du mouvement), afin d’assurer aux rouages un positionnement parfait et remarquablement stable dans le temps.


- La réduction des frottements a toujours représenté une quête en compétition automobile, avec pour objectif une augmentation du nombre de rotation en T/m. Ce problème a été en grande partie résolu par l’amélioration des circuits de lubrification, l’implantation de soupapes pneumatiques, l’allègement des organes internes réduisant l’inertie, etc. En ce qui concerne la montre MILLE, l’effort s’est porté sur la rotation accélérée du barillet ( 6 h par tour au lieu de 7,5h), réduisant ainsi le phénomène de collage du ressort de barillet, améliorant le delta de la courbe de ce même ressort. Cette recherche de réduction des frottements s’est également focalisée sur l’amélioration du profil de la denture du barillet et du pignon de grande moyenne( développante au centre avec un angle de pression de 20°). Cette approche a permis une excellente transmission du couple et un rendement nettement amélioré.

- Si la rigidité est nécessaire en automobile comme dans l’horlogerie, la résistance aux chocs est indispensable. En effet, une formule 1 doit pouvoir sans dommages absorber des passages violents sur des vibreurs. De même, une montre tourbillon, réputée fragile, doit selon moi pouvoir être portée dans toutes les circonstances. C’est ainsi que depuis la RM 001, le pont de tourbillon est inspiré des triangles de suspension des F1. Une RM 006 (tourbillon à la platine en fibres de carbone) a pu effectuer 2 saisons complètes au poignet de Felipe Massa, en essais comme en course, et ce sans aucune maintenance.


- Un moteur moderne nécessite l’emploi de pièces détachées adaptées à un usage très spécifique ( Réduction de consommation, performance, résistance à la chaleur, à la friction, etc.)
C’est ainsi que la RM 004, chronographe à rattrapante, nous a obligés, dans un but de réduction du saut de départ, à modifier l’architecture du mouvement, en particulier de la roue à colonne, dont la géométrie a été modifiée, et nous a amenés à intégrer pour cette roue ainsi que pour d’autres pièces telles que les bascules, de nouveaux matériaux comme le titane. L’objectif était , parmi d’autres, de réduire l’inertie.

- Sur une F1, de nombreuses informations utiles sur le comportement de la voiture sont aujourd’hui à la disposition du pilote, et sont regroupées sur son volant. C’est ainsi qu’il m’est apparu utile de faire figurer sur le cadran des informations non seulement quantitatives, telles que la réserve de marche, mais aussi qualitatives (capteur de couple), capables d’exprimer la performance de la montre. En outre, la création du sélecteur de fonction s’inscrit dans un souci pratique (position neutre, remontage, changement d’heure), inspirée de l’automobile par sa boite de vitesse.


- Il ne viendrait pas aujourd’hui à l’idée de quiconque d’utiliser massivement du bronze ou du laiton dans une automobile de compétition. De même, il m’est apparu important d’utiliser des matériaux adaptés à des utilisations spécifiques, la limite étant dictée par la volonté de ne pas utiliser ces matériaux sous forme de gimmick. Chacun de ceux-ci se doit d’être employé pour des motifs techniques très précis. C’est ainsi que le titane et la fibre de carbone on été utilisés pour des raisons de rigidité accrue, pour le caractère amorphe et neutre du carbone. Par ailleurs, le contre-pivot en céramique a pour objectif de réduire les phénomènes d’usure et d’améliorer la tribologie. Les vis spline en titane grade 5 permettent une meilleure maîtrise du couple de vissage, et sont peu sensibles au manipulations lors des opérations de montage/démontage. L’ARCAP a également été employé afin de rigidifier certains ponts.


- Sur de nombreuses montres, une simple intervention sur un bloc remontage représente une opération longue et risquée, associée au démontage du mouvement, des aiguilles, du cadran, etc. De nos jours, une voiture des 24h du Mans voit sa boite de vitesse changée en quelques minutes. C’est ainsi que sur certaines montres RM, il suffit à l’horloger de démonter les 4 vis du fond pour avoir un accès au bloc remontage, régler des pièces, voire effectuer un changement complet dans un laps de temps très bref. Cela met en outre les parties sensibles ( tourbillon, balancier) à l’écart de toute mauvaise manipulation.


- Enfin, si chaque formule 1 est le fruit de nombreuses heures d’études, de développement, de tests pour en finale réaliser chacune de ces voitures en quasi pièce unique, chacun de ces bolides étant entièrement assemblé à la main, certaines pièces étant rodées à la main, il en est de même avec la montre RM, où le meilleur de la culture horlogère est présent, avec tous les anglages, blocages, découvertes polis à la main. Ainsi, le summum de la technique et de l’innovation côtoie le savoir–faire ancestral et l’artisanat d’art."

 

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