La BlackWatch met mille ans pour faire le tour du cadran
 
Le 14-07-2010

A l'occasion de l'exposition Lost in Time de Patrick Bernatchez à Berlin, l'artiste a sollicité l'horloger chaux-de-fonnier de renom Roman Winiger afin qu'il réalise une montre inédite. Cette dernière mettra mille ans pour faire une seule révolution.

Mille ans, période durant laquelle notre civilisation a connu l'âge d'or de la culture arabo-musulmane, les Croisades, la découverte de l'Amérique, les Lumières, un vingtième siècle qui a subi la révolution industrielle, deux guerres mondiales, et tant d'avancées technologiques. Mille ans, c'est le temps qu'il faudra à la BlackWatch pour faire une seule révolution.

Cette montre bien particulière est avant tout une histoire de collaboration entre un artiste québécois, Patrick Bernatchez, et un horloger suisse vivant à La Chaux-de-Fonds, Roman Winiger. «Ce qui m'a le plus séduit, c'est de travailler avec un artiste comme Patrick Bernatchez, ce qui a pour conséquence qu'il ne faut pas tout gérer soi-même», dit Roman Winiger.

Cette collaboration a en effet permis à l'horloger de se concentrer uniquement sur les aspects techniques. Il a construit et fabriqué le module, qui se monte sur un mouvement de base existant. Une fonction de «correcteur» permet d'ajuster facilement la montre si, par malheur, elle s'arrêtait durant une courte période. Il s'agit d'une montre mécanique, qui ne peut pas vivre sans l'homme, car elle doit être remontée tous les jours. «C'est donc une illusion de penser qu'elle va durer mille ans», précise l'horloger chaux-de-fonnier.

La collaboration pour ce prototype actuellement exposé à Berlin, à l'occasion de l'exposition Lost in Time de Patrick Bernatchez, a duré un peu moins d'un an. Derrière un tel projet se cache la volonté d'une invitation, d'une irruption dans un labyrinthe temporel, en proposant une lecture différente du temps. Car «c'est l'idée de la perte dans l'espace-temps qui a poussé l'artiste à vouloir fabriquer une telle montre.»

La BlackWatch est un monument conçu pour survivre aux mortels, comme un témoignage du temps qui passe, qui voit passer différentes civilisations, différents peuples. Elle ne se veut pas témoin du passé, mais de ce qui est à venir. Dans un monde qui n'a jamais le temps, le ralentissement d'un millénaire proposé par Patrick Bernatchez ouvre la voie à des absurdités et des non-sens de toutes sortes, car il crée un gouffre entre notre perception et notre connaissance du monde. L'artiste québécois s'est appuyé sur une montre-bracelet, qui fait référence à notre vie quotidienne, mais, qui, en même temps, sous-entend les diverses expressions du temps qui échappent à notre perception humaine.

Quoi qu'il en soit, les deux hommes ne s'arrêteront pas à cette unique BlackWatch. Ils ont pour projet de réaliser une série de cinq à dix pièces, d'une valeur de 15 000 à 20 000 francs, qui profiteront à des collectionneurs séduits par cette vision singulière du temps. Pour cette série, l'approche est différente, car «il ne s'agit plus d'un prototype, qui m'a pris réellement beaucoup de temps», dit Roman Winiger. La collaboration québéco-suisse n'est donc pas près de se terminer.
Marion Jobin

Arcinfo - L'Express / L'Impartial

 

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