Un avis de décès pour la montre-bracelet?
 
Le 28-06-2007

La montre-bracelet est-elle vouée à la disparition face à l'invasion des gadgets technologiques? Dans l'esprit des étudiants des écoles suisses, elle deviendra quasiment obsolète d'ici 40 ans. Les dix projets retenus pour le concours «Lire l'heure en 2047» font la part belle aux puces électroniques et aux écrans tactiles miniaturisés.
Sabine Allemand, étudiante à la Haute Ecole d'art de Zurich va encore plus loin. «L'heure n'existera plus comme on la connaît. Il n'y aura plus le cycle naturel de jour et de nuit. La lumière naturelle sera d'un gris permanent à cause de la pollution», pense-t-elle. Du coup, elle a imaginé une tour du temps de douze étages qui donnerait l'heure et servirait de nouveau soleil. «Un projet irréel. Je l'espère.»

Pour Yves Martinet, de l'Ecole d'art du Cifom de La Chaux-de-Fonds: «Nous ne lirons plus l'heure, c'est l'heure qui nous lit désormais». Avec son projet «Diffract», il dévoile «un futur dans lequel notre perception du temps est modifiée». Pour Axelle Dorado, de la HE Arc ingéniérie du Locle: «En 2047, l'heure ne se lira plus, elle s'écoutera». Et de présenter un concept basé sur un implant sous-cutané.

Avec Aline Peschka, de la HE Arc Art appliqués, la montre-bracelet réapparaît. Ici, le design se veut résolument futuriste. «La face interne du bracelet est munie de capteurs qui diffusent de petites vibrations et de douces variations de chaleur, pour une lecture sensitive et totalement novatrice de l'heure». Bracelet aussi pour Emilie Angéloz, de l'Ecole d'art chaux-de-fonnière. «Il permet de stocker des données.» Bracelet toujours avec Stéphanie Miles et Pierre Grydbeck, du gymnase de Chamblandes à Pully. «Il nous indiquera le temps sous forme de compte à rebours.»

Charles Windlin, de l'Institut de design industriel de l'Ecole supérieure de la Suisse du Nord-Ouest, a imaginé un bijou fonctionnel avec batterie rechargeable et micro-ordinateur, qui gère la zone d'affichage. Quant à Tobias Klauser, du département architecture de l'EPFZ, il présente une «version futuriste de la montre-bracelet. Le bracelet et son boîtier y seront remplacés par de minuscules implants formant un écran sur le dos de la main». Alix Vuithier, Caroline Liechti et Stéphanie Ribeaud, de l'Ecole d'art du Cifom, ont imaginé un patch biodégradable où la lecture de l'heure se fait grâce à des points en cristaux liquides.

Le jury a retenu ces dix projets parmi 46 dossiers présentés. Ils provenaient pour 37 d'entre eux de Suisse romande et neuf de Suisse alémanique. Les lauréats du concours seront connus le samedi 30 juin. Les visiteurs peuvent voter pour le prix du public.

«Swiss Made» au MIH
L'horloge représentant Guillaume Tell et son fils est placée à l'entrée. C'est un clin d'œil. Quant aux coucous, contrairement à la légende tenace qui veut les voir typiquement helvétiques, ils viennent de Forêt-Noire. «Le thème a été choisi sans savoir qu'il deviendrait chaud», dit Ludwig Oechslin, conservateur du MIH (Musée international d'horlogerie). L'institution a mis sur pied une exposition temporaire qui revient sur la notion du «Swiss Made». Un label dont la définition pourrait être prochainement revue. La FH entend la renforcer alors que l'horlogerie suisse connaît un succès sans précédent. Le débat agite les milieux industriels.

Revenons à l'expo! Douze vitrines, placées en forme de croix suisse, retracent l'évolution de l'indication d'origine des pièces horlogères. Dès le XVIIIe siècle, les artisans de l'Arc jurassien signent leurs produits de leur nom et y adjoignent celui de leur localité. On trouve notamment un «Abraham Courvoisier, Les Convers». «ça contraste avec Genève», sourit le conservateur adjoint Jean-Michel Piguet, qui a mis sur pied cette exposition avec son équipe. A l'approche de la fin du XIXe siècle, sous la pression américaine et britannique, les horlogers optent pour le fameux «Swiss Made». Il sera inscrit sur tous les cadrans, en général à 6 heures. Ce n'est qu'en 1971 que la Berne fédérale s'empare de la terminologie pour en fixer le cadre légal.

L'exposition présente aussi des contrefaçons plus surprenantes les unes que les autres. A commencer par une copie conforme d'un produit Eberhard - avec ses quatre compteurs en ligne - frappé du logo Ferrari et de la marque Girard-Perregaux. Le «Swiss Made» est aussi un argument pour les tricheurs. Quant à l'expo elle-même, «il n'y a pas de problème. Malgré la présence de montres américaines, nous pouvons lui attribuer le label», dit Jean-Michel Piguet.

La mécanique, objet de rébellion
Future ingénieure designer de la HE Arc, Lise Rassat a imaginé «Le vol du temps», un concept où l'individu est contrôlé grâce à une puce électronique greffée au poignet. Toutes les données personnelles y seront stockées. Pas question de céder à la tentation d'un supplément de dessert. «Le sucre vous est interdit», lancera l'appareil. Du coup, l'étudiante a «imaginé un objet de rébellion. La montre mécanique. En 2047, le garde-temps faillible se posera en symbole de la lutte identitaire. Il ouvrira la porte à la recherche d'un autre temps», lance la jeune Française.

Temps de la réflexion
Visiblement, les puces et les implants tarabustent Jacques Hainard. Président du jury du concours «Lire l’heure en 2047», l’ethnologue éprouve quelques frissons à l’évocation du contrôle de l’individu. «Ce concours devrait nous permettre d’avoir une réflexion plus large sur notre avenir.» Il a raison. La notion de lecture du temps évolue. Aujourd’hui, pour les jeunes, elle passe souvent par le téléphone portable ou le lecteur MP3.

Les projets présentés à l’Usine électrique en disent plus long que les discours. Lire l’heure en 2047, c’est aussi avoir des informations tous azimuts. Les technologies de télécommunication sont privilégiées. Les étudiants nous parlent de l’internet, de bluetooth, de satellites, etc. Le temps de la mécanique est-il compté? Le mouvement à quartz, qui a révolutionné l’horlogerie, est-il voué à finir aux oubliettes? Les travaux de ces 13 jeunes étudiants ont le mérite de provoquer pareilles questions. Non pas que le temps presse mais parce qu’elles valent le temps de la réflexion. La branche horlogère ne reste pas en dehors du temps. Ses liens avec les milieux de la recherche sont ténus. Les nouvelles technologies apportent des solutions à des techniques séculaires. La Suisse est bien placée pour le savoir. Ses chercheurs ont mis au point la première montre à quartz. Dans les années 1960, les industriels n’y ont guère cru. Au milieu de la décennie suivante, la pilule a été très amère. Il a bien fallu l’avaler.

La Chaux-de-Fonds, Usine électrique, Numa-Droz 174, jusqu’au 30 juin

L'Impartial

 

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