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...interview de Fabrice Guéroux, auteur de Vraies et fausses montres
Tous les amateurs de montres connaissent Fabrice Guéroux, spécialiste de la lutte contre la contrefaçon horlogère et auteur du best-seller « Vraies et fausses montres ». Alors que son tout dernier livre est désormais disponible à la FNAC, chez Virgin et chez tous les bons libraires, ce « détecteur de fausses montres » a accepté de répondre à quelques questions sur la contrefaçon et ses risques… Entretien exclusif pour montres-de-luxe.com.
Quelles sont les marques et/ou modèles les plus copiés ? Et quelles sont les nouvelles marques victimes de la contrefaçon ?
Bien évidemment, nous trouvons toujours en tête les mêmes marques de montres, Rolex, Cartier, Breitling, etc. Les contrefacteurs se contentent de suivre le marché du vrai et de répondre à la demande du consommateur.
Mais la recrudescence de produits contrefaits et l'expansion sans précédent du marché de l'horlogerie ces dernières années font que nous avons vu apparaître de nouvelles marques réellement touchées par le fléau.
Aussi trouvons-nous aujourd'hui des contrefaçons de marques comme Hublot, Panerai, Audemars Piguet circuler sur le marché. Outre le fait que les marques sont aujourd'hui en majorité copiées, nous trouvons de plus en plus de fausses montres de très bonne qualité. Un risque réel pour l'image de marque des manufactures.
Juridiquement, quels risques encourt-t-on à acheter une fausse montre ?
En tant qu'acheteur, on risque une amende. Que ce soit au passage des douanes à l'aéroport, sur l'autoroute ou en se faisant expédier un paquet, le risque est toujours là. Mais les services de douanes ne peuvent pas vérifier chaque colis ou chaque bagage, surtout pour ce qui est de passer un objet de la taille d'une montre.
Il peut toutefois arriver qu'un consommateur joue de malchance et se retrouve emmêlé dans une procédure de plainte qui va prendre du temps et peut-être même lui coûter un peu d'argent. Ce consommateur servira alors d'exemple et suite à la plainte de la marque contrefaite et à la procédure juridique, il se verra alors condamner.
Nous avons vu ces deux dernières années quelques cas, principalement en ce qui concerne le piratage de films par exemple. Mais cela concerne un pourcentage tellement infime sur le nombre de consommateurs que vu sous cet angle, cela ne va pas alarmer qui que ce soit.
Donc pas de risque réel de ce côté. Et c'est la principale raison pour laquelle des organisations criminelles se sont emparées de ce business ; le risque est tellement moins important que celui encouru pour le trafic de drogue ou d'armes.
Avec ce point de vue, le consommateur pourrait totalement penser que cela ne représente rien de grave et se laisser tenter par la qualité des nouvelles contrefaçons. Après tout, ce n'est pas son entourage qui va s'en apercevoir et si sa commande reste bloquée en douane, ce n'est pas très grave non plus. Il s’agit là d’une façon de penser à court terme et comme toutes les façons de penser à court terme contenant un risque aussi infime soit-il, le risque finit toujours par devenir plus important pour soi et pour les autres. Je m’explique : nous avons vu cette année des consommateurs vendre leur montre contrefaite à un autre particulier, en toute connaissance de cause ou non, se faire attraper et condamner à plus de six mois de sursis avec amende (plus de 30.000 euros dans certains cas). Pour une fausse Radiomir ou une fausse Submariner, c'est cher payé.
Il y a trop d'activités malhonnêtes impliquées autour d'une fausse montre ou de n'importe quel produit contrefait. Et cela, une personne le ressent, même lorsque cela est caché autour d'une montagne de justifications et de « bonnes raisons ». Je tiens à préciser que je parle ici d'une personne honnête. Certains n'hésiteront pas à porter du faux en tout état de cause en ayant que faire du pourquoi, du comment et encore moins des conséquences. Tout comme cela ne les dérangera jamais de mentir autour d'eux ou de commettre des actes plus ou moins illégaux.
Quelles sont les évolutions récentes du marché de la contrefaçon et quelles sont ses conséquences à long-terme ?
Il est important dans le cas de la contrefaçon de penser à long terme. L'étroitesse d'esprit de certains et ce concept de vivre au jour le jour n'apportera jamais rien à personne. Le fait de dire que la contrefaçon ne nuit pas aux marques est vrai dans le cas d'une montre, d'une pièce. Mais ce n'est pas vrai du tout dans son ensemble. Il faut regarder la société aujourd'hui et la comparer à celle que nous avons connu il y a vingt ans. La demande n'est plus la même. Personne n'aurait emprunté 10.000 euros à une société de crédit conso pour acheter une Rolex Daytona.
La demande pour le produit de luxe est bien plus importante et surtout, chaque couche de la société veut acquérir ces produits de luxe. Le luxe n'est plus « réservé » à une élite sociale. il est à tout le monde et tout le monde souhaite se l’approprier. Et je comprend cela parfaitement, c'est totalement légitime, n'importe qui a le droit de s’offrir ces objets que le marketing contemporain nous remue sous le nez à longueur de journée, sans compter les médias qui utilisent les « people » à profusion pour cela. C'est totalement compréhensible.
Mais à long terme, la contrefaçon va avoir des conséquences que nous ne sommes pas encore capable d'évaluer. Car là où hier encore, elles habillaient quelques mythomanes de retour de l'étranger pressés d'épater leur amis plus fortunés, elles habillent aujourd'hui n'importent qui, en quantité industrielle, et elles habillent bien...
De plus, elles coûtent de plus en plus cher. Une contrefaçon moyenne coûte aujourd'hui dans les 80 dollars. Une très bonne contrefaçon coûte entre 300 et 500 dollars. Et elles sont exportées par millions. Cela demande une entreprise et seule une entreprise criminelle implantée et solide peut le faire. Personnellement, je pense que le consommateur ne peut pas fermer les yeux là-dessus. Devenons responsables.
montres de luxe.com
(Note: SOJH®) Lire aussi... FH - Lutte contre la contrefaçon |