Swatch - UBS: le choc des titans
 
Le 08-10-2010

La conciliation a échoué entre Swatch Group et UBS. La banque est accusée d’avoir fait perdre 30 millions de francs au groupe horloger avec des placements pourtant réputés sûrs. Le duel s’annonce sanglant

Nick Hayek, patron de Swatch Group, volera-t-il dans les plumes d’Os-wald Grübel, big boss d’UBS? Les deux géants de l’économie suisse ont fait un pas dans cette direction mercredi. Devant le juge de paix zurichois, l’entrevue entre les représentants du groupe horloger et de la grande banque n’aura duré que 11 minutes et 30 secondes. Pas assez pour que les deux poids lourds se réconcilient: «Nos positions ne se sont pas rapprochées», a déclaré Hanspeter Rentsch, responsable juridique et membre de la direction générale de Swatch Group, au quotidien zurichois Tages-Anzeiger . «Il en va d’une grande somme d’argent. Pour nous, ce ne sont pas des peccadilles», a-t-il conclu.

Tromperie
Concrètement, Swatch Group réclamerait 30 millions de francs à UBS. Le géant horloger n’a jamais confirmé la somme exacte. Cet argent, Nicolas Hayek Senior, habitué aux coups de gueule contre la place financière, estimait l’avoir perdu en raison de placements trop risqués de la banque, empêtrée alors dans les tumultes de la crise économique mondiale. Swatch pense avoir été trompé par les conseils financiers d’UBS sur des fonds, dont le rendement devait être positif, indépendamment des fluctuations du marché.

En avril 2009, le géant horloger envoyait donc un commandement de payer à UBS, dans l’espoir de récupérer les sommes perdues. Rien n’y a fait. En septembre 2010, Swatch Group franchissait un pas de plus en portant carrément plainte contre la grande banque.

Après la conciliation ratée de mercredi, le groupe horloger dispose maintenant de trois mois pour transmettre sa plainte au Tribunal du commerce de Zurich, à moins qu’un accord à l’amiable, peu probable, ne soit passé entre les deux camps.

Tout un symbole
Si les deux adversaires refusent pour l’heure de commenter la procédure en cours, cette action en justice entre les deux multinationales comporte une grande charge symbolique. Mathieu Fleury, secrétaire général de la Fédération romande des consommateurs (FRC) y voit «le choc entre l’économie réelle et le monde de la finance».

Lourdes conséquences
Pour Aldo Schorno, économiste et professeur à la Haute Ecole de gestion (HEG) à Genève, ce clash entre UBS et Swatch Group est symptomatique du malaise qui règne au sein des élites économiques et politiques suisses. «Le clivage traditionnel entre la place financière et la place industrielle s’est transformé en franche opposition, observe-t-il. Et ces deux mondes ne sont plus d’accord sur la manière de gérer l’économie.» Reste maintenant à Swatch à prouver que la banque a fait des erreurs grossières, ce qui ne sera pas une mince affaire: «Swatch Group est un investisseur qualifié qui doit pouvoir comprendre certains risques», souligne Carlo Lombardini, avocat spécialisé dans le droit bancaire, rappelant au passage que la gestion n’est pas une science exacte. Swatch Group a-t-il été trop naïf? «Nicolas Hayek Senior avait traité à la télévision les banquiers de gangsters. C’est plutôt malvenu de la part d’un représentant du grand capital qui dispose des mêmes informations financières qu’eux. S’il n’était pas d’accord avec les banquiers, il ne fallait pas acheter leurs produits», analyse Aldo Schorno.

Il n’empêche, s’il avérait, au terme d’un procès, que Swatch l’emporte, cela constituerait un précédent de taille pour UBS. «Cela encouragerait nombre de PME à se retourner contre leur banque», prédit Aldo Schorno. Pour François Savary, analyste financier chez Reyl et Cie, «une victoire de Swatch signifierait qu’UBS a vendu de manière incorrecte un produit à un investisseur institutionnel», théoriquement bien informé en matière de finance. Or, si un investisseur avisé gagne dans un cas pareil, la banque se trouverait alors en mauvaise posture pour se défendre face aux attaques de plus petits investisseurs, moins bien informés, qui auraient acheté le même produit litigieux.

La FRC suit l’affaire de près

«Cette action a le mérite de faire pression sur les banques, analyse Mathieu Fleury, secrétaire général de la Fédération romande des consommateurs (FRC). Même de grandes entreprises comme Swatch group ne sont apparemment pas à l’abri des lacunes dans le conseil et la définition des risques des produits bancaires.» Il espère donc que cette plainte servira d’exemple. «Cela joue en faveur de la réforme du système bancaire que prône la FRC. Nous demandons une information plus transparente et un protocole d’entretien qui permettrait de documenter ce qui a été dit, promis, etc. au moment de la discussion entre le client et sa banque.» Mathieu Fleury a pourtant une crainte: que l’affaire soit résolue de manière très spécifique et que le cas ne soit pas généralisable.

Simon Koch - LeMatin.ch

 

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