Deux montres suisses sur trois sont vendues à des Asiatiques
 
Le 14-01-2011

Les exportations à destination de la Chine ont progressé de près de 3000% en quinze ans

La Chine, encore la Chine, toujours la Chine. Avec une bonne dose d’Asie. Ce pays et ce continent virent à l’obsession chez certains horlogers. Il faut dire que les exportations vers l’Empire du Milieu, ainsi qu’à Hong­kong et Taïwan explosent (de respectivement 54,9%, 45,9% et 25,7% sur les onze premiers mois de 2010, cf. tableau). En quinze ans, celles vers la Chine ont augmenté de… 2922%.

«Je pense tout simplement que les horlogers suisses et les Occidentaux en général n’ont toujours pas pris conscience de l’ampleur, de la rapidité du développement et du potentiel du marché chinois. A contrario, il faut éviter de tomber dans le piège de délaisser les autres pays, notamment les Etats-Unis et le Japon, qui regagneront en importance ces prochaines années», analyse Olivier Müller, consultant horloger.

Nouvel eldorado

Les sociétés suisses se doivent pourtant d’intégrer ce nouveau paramètre dans leurs calculs, stratégie, positionnement et investissements. C’est que l’équilibre des forces a ­profondément, structurellement changé en l’espace de trois ans. Un cycle infime en termes industriels. Mais le constat s’impose de lui-même: le basculement vers l’Asie semble irréversible, du moins à moyen terme.

Entre 2007 et l’année dernière, ce continent est passé d’une pondération de 43% des exportations horlogères à 52%. Il a certes profité de la déliquescence d’autres régions, à l’instar des Etats-Unis, pour se positionner comme principal débouché des montres «Swiss made». Mais c’est aussi la seule région à enregistrer une progression (19%) par rapport à 2007. Aussi bien les Etats-Unis, que l’Amérique latine et l’Europe n’ont pas encore retrouvé leur niveau d’avant-crise, peut-on extrapoler des données de la Fédération horlogère.

L’Asie n’a pas seulement permis à l’horlogerie de sortir plus rapidement de la récente récession, mais elle lui offre aussi des taux de croissance époustouflants. A tel point que deux tiers des montres helvétiques sont désormais vendues à des Asiatiques. «Pour certaines marques cette proportion peut être évaluée à 80% en tenant compte des achats de touristes asiatiques. Je pense notamment à Omega et Tissot», poursuit Olivier Müller. A l’opposé, Hublot y réalise moins de 1% de ses ventes.

Est-il désormais trop tard pour prendre pied sur ce marché, nouvel eldorado de l’horlogerie suisse? Absolument pas, estiment les experts, mais les investissements doivent être à la hauteur du potentiel du marché. Il faut que les nouveaux entrants soient en mesure de développer une image de marque à l’échelle du pays.

Beaucoup de sociétés horlogères font l’erreur de ne pas adapter leur message à la sensibilité asiatique, mais d’autres commettent aussi l’impair stratégique de trop «chinoiser» leur offre en proposant des articles customisés Chine. Les marques multiplient ainsi les modèles ronds, extra-plats, de petits diamètres. Or, le consommateur chinois de luxe veut surtout un produit fait par des Occidentaux pour des goûts occidentaux. Jusqu’à quand, alors que l’horlogerie chinoise ne cesse de s’améliorer, gagnant presque chaque jour en qualité?

Bastien Buss - Le Temps

 

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