L’«Eldorado» chinois dope l’horlogerie suisse
 
Le 20-01-2011

Les Asiatiques - et particulièrement les Chinois - sont friands de montres suisses de luxe. Cette semaine, les visages sont radieux au 21e Salon International de la Haute Horlogerie (SIHH) de Genève, qui réunit les «petites» marques indépendantes.

«Je suis nettement plus confiante et sereine cette année», confie Fabienne Lupo, directrice du SIHH. 2010 a été une année «spectaculaire» pour l’industrie horlogère suisse, avec des exportations en hausse de près de 30% (à 14,6 milliards de francs) jusqu’au mois de novembre par rapport à 2009. Avec les chiffres de décembre, le total devrait s’approcher des 17 milliards, record de 2008.

«Très satisfait de cette évolution», le président de la Fédération de l’industrie horlogère (FH) Jean-Daniel Pasche se dit «frappé par la rapidité des cycles».

En 2009, la récession avait fait reculer les exportations de 24% et le secteur avait perdu environ 4000 de ses 53'000 postes de travail. «Mais structurellement, nous ne sommes pas tellement touchés, et dès que le marché a redécollé, le secteur a pu en profiter via ses réseaux de distribution et ses produits disponibles», se réjouit le président de la FH.

Et pour 2011, les attentes sont grandes. «La croissance des exportations semble favorable, mais nous sommes préoccupés par la force du franc suisse, qui peut affecter la compétitivité et les marges», admet Jean-Daniel Pasche.

Explosion asiatique

«Les prévisions sont favorables grâce aux nouveaux territoires en Asie, explique Fabienne Lupo. La Chine s’est vraiment éveillée, les Chinois achètent des montres suisses, pas seulement chez eux, mais partout dans le monde».

Les exportations vers l’Asie ont explosé l’an dernier: +55% vers la Chine, +46% vers Hong Kong et +37% vers Singapour.

Lundi, le géant du luxe Richemont, qui organise le SIHH, annonçait une hausse des ventes de 33% pour son troisième trimestre, bouclé au 31 décembre 2010.

Les ventes du groupe dans la zone Asie-Pacifique ont bondi de 57% à plus d’un milliard de francs, tandis que les clients chinois achètent ses montre de luxe de marque Cartier, Piaget ou Vacheron Constantin. Comparés à la croissance de 25% de l’année dernière, ces chiffres font de la zone Asie-Pacifique la région à la croissance la plus rapide pour Richemont. Et les analystes prévoient que cette zone va devenir la plus importante pour le groupe, devant l’Europe.

Soif de luxe

«La Chine est devenue une sorte d’Eldorado pour le monde des produits de luxe, confirme Christian Barbier, directeur des ventes pour les montres Parmigiani. Les Chinois ont soif de produits de consommation luxueux, qui représentent certaines valeurs. C’est le même phénomène qu’en Russie il y a dix ans».

Selon KPMG, la Chine est désormais le deuxième plus gros marché au monde pour le luxe, derrière le Japon. Un rapport publié en août 2010 par le bureau de consultants note que le segment des «super riches» Chinois a continué à croître malgré les récentes turbulences qui ont affecté l’économie mondiale.

«Tandis que les jeunes professionnels et les autres aspirants consommateurs se sont battus dans les dernières années pour obtenir de meilleurs salaires, les entreprises privées dépassent de plus en plus les anciennes entreprises étatiques comme génératrices de richesse, créant une nouvelle élite de consommateurs», note le rapport.

La demande interne chinoise a émergé à la fin 2008, et de nombreuses marques horlogères ont réorienté leurs stratégies marketing en 2009 et 2010 de régions comme l’Amérique du Nord vers la Chine, explique Christian Barbier.

«L’Asie, et spécialement la Chine, est devenue un objectif à court terme pour une croissance rapide», ajoute le directeur des ventes de Parmigiani, en admettant que la concurrence est rude dans le segment du haut de gamme.

Ne pas mettre tous ses œufs dans le panier chinois

Selon les experts, les marques qui ont commencé à investir en Chine il y a dix ans ont clairement une longueur d’avance et commencent à en récolter les bénéfices. Parmigiani, présent sur place depuis 1986, emploie 500 personnes, qui produisent 5000 montres de luxe chaque année. La marque n’en est pas moins consciente de la nécessité de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.

C’est pourquoi elle a développé trois plateformes de vente - à Fleurier, dans le canton de Neuchâtel, à Miami et à Hong Kong - et elle reste concentrée sur le «très important» marché américain.

La prudence de Christian Barbier fait écho à celle de Bernard Fornas, le patron de Cartier. Mardi, il a lancé un avertissement contre la trop forte dépendance au marché chinois. «Nous avons mis en œuvre des stratégies complémentaires dans d’autres régions. En aucun cas nous ne négligeons nos autres marchés», a-t-il dit à l’agence de presse Reuters.

Cartier, qui a actuellement 34 magasins en Chine, va en ajouter 6 ou 7 cette année, mais en ouvrira aussi 15 à 20 ailleurs dans le monde, dans des villes comme Abou Dhabi.

Simon Bradley, swissinfo.ch Genève
(Traduction de l’anglais: Marc-André Miserez)

 

Copyright © 2006 - 2024 SOJH® All Rights Reserved