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Swatch Group réduira dès 2012 ses livraisons aux tiers. Une catastrophe annoncée pour certains imprévoyants.
La Commission de la concurrence vient d’entériner la fermeture partielle du «supermarché» horloger qu’est Swatch Group. Ce dernier pourra ainsi réduire dès l’an prochain les livraisons à ses concurrents. Certains d’entre eux s’en inquiètent et mettent en cause la partialité de la Comco. D’aucuns sont décidés à faire recours contre cette décision. Rappelons en premier lieu que la décision de la Comco relève de mesures provisionnelles en attendant la fin de l’enquête ouverte après que le groupe biennois a fait savoir à fin 2009 sa volonté de ne plus livrer de mouvements ou de composants à ses concurrents. Une position qui s’est affinée par la suite, dès lors que le groupe affirmait vouloir pouvoir choisir ses partenaires. Comprenez que les plus méritants – ou les plus fidèles – pourront toujours compter sur Swatch Group.
Dès l’an prochain, Swatch Group pourra réduire de 5% (par rapport aux commandes de 2010) les livraisons de sa société Nivarox (assortiments, notamment les spiraux). De 15% les livraisons de mouvements mécaniques de sa société ETA aux marques qui les utilisent pour leurs propres montres. Et de 30% aux clients qui disposent également d’une unité de production de mouvements et qui ne produisent pas leurs propres montres terminées. Si la situation est assurément problématique pour nombre de marques qui risquent de se retrouver avec 15% de mouvements mécaniques ETA en moins l’an prochain, l’affaire est plus grave pour certains producteurs de mouvements. A l’instar de la société Sellita, à La Chaux-de-Fonds, qui produit des copies de mouvements ETA (légales, car ces mouvements sont tombés dans le domaine public) et qui s’est profilée comme une alternative sérieuse à Swatch Group.
Avec une production estimée à 500 000 mouvements cette année, la diminution pourrait atteindre quelque 150 000 unités l’an prochain. De fait, Sellita a deux grosses faiblesses: elle continue d’acheter des mouvements à ETA (Swatch Group) pour les transformer. Et elle produit tous ses mouvements avec des composants (en l’occurrence l’organe réglant) en provenance de chez Nivarox (Swatch Group). Difficile dans ces conditions d’assumer pleinement un statut d’autonomie. De toute évidence, sans une solution alternative – inenvisageable aujourd’hui en restant dans une même gamme de prix – Sellita devra concentrer ses livraisons l’an prochain sur ses plus gros clients. Les plus petites marques risquent tout simplement de ne plus être livrées.
Une dépendance de trente ans
Evoquant les risques que couraient certains horlogers à trop dépendre du Swatch Group, Bilan écrivait dans son édition du 30 mars dernier que «les concurrents les moins bien lotis seraient bien inspirés de ne pas trop tarder pour s’engager dans des solutions alternatives». En réalité, cela fait près de trente ans que toute l’horlogerie mécanique s’est mise dans une dépendance quasi totale face à Swatch Group et près de dix ans que les intentions du groupe biennois sont à peu près limpides. Dans ce contexte, chacun pourra s’étonner du peu d’intérêt de la branche à développer une véritable alternative, quitte à ce que d’aucuns regroupent leur force en ce sens. Mais travailler ensemble n’a jamais été le fort des horlogers. Beaucoup d’entre eux se retrouvent aujourd’hui dans une position extrêmement délicate. Ils n’auront d’autre choix dans les années à venir que de réduire leur production de montres mécaniques et devraient trouver sans délai toutes solutions alternatives. Mais le processus est long et les dégâts ne se feront pas attendre.
Michel Jeannot
Bilan |