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La manière d’appréhender l’évolution de la demande fait à nouveau débat. Dans un contexte de dépendance grandissante à la Chine.
Le secteur du luxe profite (à nouveau) d’une actualité contradictoire. Dans une étude, HSBC tente d’apporter un peu de clarté au débat en se concentrant sur un élément précis: l’influence du tourisme, chinois en particulier, sur la demande de biens de luxe. Le phénomène n’est pas vraiment nouveau, les directeurs d’industrie se sont souvent exprimés sur ce point, commentant de manière intuitive l’importance du tourisme comme soutien pour les débouchés matures, Europe et Etats-Unis. En revanche, le marché reste parcimonieux dans son analyse du phénomène, considérant le plus souvent l’évolution de la demande pays par pays. L’étude d’HSBC comble un tant soit peu cette lacune.
En préliminaire, il faut bien observer que, après un premier semestre globalement supérieur aux attentes, l’industrie devient l’objet d’une sorte d’incertitude persistante. L’effet principal se lit sur l’évolution des valeurs, qui subissent toutes une correction et une volatilité extrême. Depuis le pic de l’été, mi-juillet, les titres luxe ont perdu en moyenne une bonne quinzaine de pourcents, avec des creux dépassant parfois 30%. Les investisseurs ne savent clairement plus comment s’orienter sur le secteur et ce n’est pas la multiplication des études qui devrait les aider. De semaine en semaine, les signaux restent contradictoires.
Hier encore, le cabinet Bain&Company présentait une estimation très enthousiasmante sur la bonne tenue du marché mondial du luxe, qui devrait croître de 10% cette année. Une estimation pour le moins consensuelle: tout le monde s’attend en effet à de la croissance. Reste à savoir dans quelle mesure elle se situera à un ou deux chiffres et combien de temps la tendance positive pourra-t-elle se maintenir.
Les interrogations se tournent logiquement vers les moteurs de croissance. Plus particulièrement le moteur de croissance désormais par excellence: la Chine. Selon Bain & Company, la demande chinoise représente désormais 20% de la consommation mondiale de bien de luxe, avec quelque 23,5 milliards d’euros d’achats en Chine et quelque 12 à 15 milliards à l’étranger. HSBC note que la demande chinoise dans le luxe affiche un niveau de croissance de 30% sur les quatre dernières années. Signe que la demande n’est pas seulement portée par la croissance économique, mais par des méga tendances culturelles et sociales.
Question préliminaire: faut-il ou non s’attendre à un tassement de la demande chinoise? Les analystes d’HSBC ne mettent au jour aucun élément concret qui permette de le penser. En termes de perspectives macro, la banque note qu’elle ne s’attend à aucun retournement important cette année. La Chine serait toujours en bonne voie pour un atterrissage en douceur. Avec une cible de 9% de croissance du PIB, HSBC table sur une demande domestique soutenue, suffisamment pour compenser une baisse des exportations. Il reste néanmoins évident que le rythme de croissance actuel n’est pas soutenable à long terme. Le risque de bulle est néanmoins écarté. La raison articulée tient dans la nature de l’attrait actuel pour le luxe, dont le support serait social et culturel plus que relevant de préoccupations financières.
L’étude se penche surtout sur l’effet à long terme de la généralisation du tourisme. Les analystes estiment que plus de 30% des ventes de biens de luxe sont générées par des voyageurs. La position de la Chine est là encore prépondérante. Les consommateurs de Chine continentale et de Hong Kong représenteraient près du tiers de la demande mondiale, toutes aires d’achat confondues. L’étude souligne à ce stade que le phénomène peut naturellement être perçu comme une source de risque majeure. La banque préfère la voie optimiste est considère plutôt cela comme une réalité enthousiasmante.
Quelques limites toutefois: le risque existe pour certaines marques de devenir trop dépendantes d’un groupe de clientèle trop restreint; ce type de demande peut aussi exercer une pression financière sur les groupes forcés de payer leur expansion; pour certains opérateurs de moindre envergure, une expansion trop rapide pourrait être fatale. Une sorte de décantation naturelle de l’industrie qui devrait à l’avenir orienter les investissements. Pour HSBC l’élément clé reste de cibler les groupes possédant les plus importantes marques globales les mieux implantées en Asie.
Le premier opérateur cité est Cartier, marque phare du groupe Richemont (environ 70% du bénéfice opérationnel), présentée comme le «Louis Vuitton des montres et de la joaillerie», et déjà une forte orientation asiatique. En plus de cette référence, Richemont bénéficie d’une bonne protection de ses ventes à travers sa maîtrise de la distribution. Le concurrent direct, Swatch Group, est décrit comme présentant des fondamentaux très proches de Richemont, même si, théoriquement, l’exposition plus importante à l’horlogerie et une maîtrise plus limitée de la vente de détail rendent le titre plus risqué. Les deux valeurs restent à l’achat.
Stéphane Gachet
AGEFI
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