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La Banque nationale devrait procéder par étapes, selon l’Association suisse des banquiers. Sur le front fiscal, «Rubik» intéresse l’Italie et la Belgique
Le plancher instauré par la Banque nationale suisse (BNS) à 1,20 franc pour 1 euro est-il suffisant pour soulager les exportateurs? Pour Patrick Odier, cette mesure «a été une première étape» menée d’une façon «remarquable». Cependant, «le franc est encore surévalué et son niveau d’équilibre se situe entre 1,35 et 1,40», a expliqué le président de l’Association suisse des banquiers (ASB) lors d’un souper avec la presse mercredi à Genève. Patrick Odier était accompagné, notamment, du directeur de l’ASB, Claude-Alain Margelisch, vêtu de sa tenue d’officier de l’armée suisse car mobilisé cette semaine dans le canton de Vaud pour préparer «des manœuvres».
«Le relèvement du palier devra se faire par étapes, mais le timing est difficile à évaluer et il ne faut pas sauter trop vite sinon il sera contesté. Cela ne doit pas forcément se faire maintenant», a poursuivi le Genevois, qui est aussi l’associé senior de la banque Lombard Odier. Ses déclarations font écho aux pressions de l’industrie des machines. Mardi, Swissmem demandait une remontée du plancher vers 1,38 franc pour 1 euro, sous peine de voir 10 000 emplois supprimés si le taux actuel ne bouge pas. L’Union syndicale suisse plaide de son côté pour un taux plancher à 1,40 franc. Hier, l’euro s’est renforcé jusqu’à 1,2442 dans la matinée avant de retomber à 1,2384 en fin de journée.
Le niveau choisi par la BNS le 6 septembre dernier tient parce qu’il «a été considéré comme juste et qu’il y a eu une bonne concertation au niveau international», selon Patrick Odier. En outre «l’effet de cette mesure a été gigantesque sur la rentabilité de certains investissements». Quant à l’utilisation des réserves de change de la BNS, le président de l’ASB estime qu’entre aider l’Europe et investir pour produire des rendements «il vaut mieux privilégier l’image» (ndlr: la première solution). Ce d’autant que, selon lui, en achetant des actifs moins liquides, elle risque de perdre l’indépendance nécessaire pour une politique monétaire efficace.
Les responsables du lobby des banques se sont également exprimés sur les accords sur l’impôt libératoire signés avec la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Ils ont précisé les avantages obtenus sur l’accès aux deux marchés pour les banques suisses, objet d’un certain scepticisme dans les milieux financiers. Outre-Rhin, les établissements devaient passer par une institution locale: «Cette condition va disparaître», a assuré Patrick Odier. Du côté de la Grande-Bretagne, les procédures y seront simplifiées.
Surtout, l’accord signé avec Berlin ne doit pas être renégocié, a affirmé l’ASB. Selon l’hebdomadaire Spiegel, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, chercherait à le faire, alors que le SPD menace de le rejeter au Bundesrat. «Il est normal que ce débat ait lieu à l’intérieur du pays, mais nous ne devons pas entrer en matière», a assuré Patrick Odier. Il faut plutôt se concentrer sur les autres pays à convaincre, au sein de l’Union européenne, «notre partenaire commercial principal», et en écartant d’emblée des possibilités avec des pays émergents comme le Brésil, a-t-il poursuivi. La Grèce s’est montrée intéressée (lire ci-dessous), de même que l’Italie. «Le changement de gouvernement dans les deux pays et les besoins de financement pourraient favoriser une entrée en matière», a estimé Patrick Odier. Le banquier a également mentionné un intérêt de la Belgique, des Pays-Bas et de certains pays scandinaves.
Mathilde Farine et Frédéric Lelièvre
LE TEMPS
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