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Les directeurs cantonaux des Finances visent une fiscalité de niches. Ils ne veulent pas payer seuls la facture et demandent une participation de la Confédération
«Baisser encore les impôts et développer des stratégies de niches.» Pour ce directeur cantonal des Finances, il n’y a pas d’autres stratégies pour répondre aux pressions de l’Union européenne (UE) contre les régimes fiscaux des cantons. L’UE vient de relancer une offensive pour que la Suisse reprenne son «code de bonne conduite» fiscale qui vise au démantèlement de «pratiques fiscales dommageables» comme la taxation différenciée des sociétés suisses et étrangères.
Ce mercredi, les ministres des Finances de l’UE devraient relancer l’attaque contre les régimes fiscaux cantonaux et exiger l’ouverture de négociations avec la Suisse sur la base du «code de bonne conduite». L’UE pourrait fixer un délai de six mois à un an pour obtenir des résultats, faute de quoi les Vingt-Sept pourraient autoriser des mesures de rétorsion.
A Berne, la première réponse semble être de gagner du temps. Le Conseil fédéral devrait décider cette année encore de sa ligne de conduite face aux pressions européennes. Il n’est pas question d’ouvrir des négociations sur la reprise du code de bonne conduite, dit-on au Secrétariat d’Etat aux finances.
Cependant, le gouvernement pourrait fixer les conditions-cadres à respecter en cas d’ouverture de dialogue avec l’UE. «Le dialogue sur le dialogue» en jargon diplomatique. Pas question de discuter sur le code en tant que tel, qui n’est d’ailleurs qu’un instrument intergouvernemental non contraignant, selon Berne. Les cantons, souverains en matière fiscale, y sont opposés.
Néanmoins, on sait bien que Bruxelles n’acceptera pas de débattre indéfiniment avec les Suisse de la forme de la table ou de la couleur du papier. Un groupe de travail de la Conférence des directeurs cantonaux des finances (CDF) prépare donc des pistes pour anticiper une réaction d’humeur des Européens.
«La stratégie générale est de prendre l’UE à son propre jeu. Développer une stratégie de niches. Elle taxe différemment les droits d’auteur, les trusts dans les îles anglo-saxonnes, certains types d’investissements ou des sociétés selon leur statut juridique, faisons de même», explique le ministre cantonal des Finances interrogé. Les cantons pourraient ainsi taxer plus favorablement les holdings, suisses ou étrangers, ou développer de nouveaux statuts.
«Les cantons n’échapperont pas à des baisses d’impôts sur les sociétés», continue-t-il. Après Neuchâtel, Zoug vient de confirmer cette tendance ce dimanche en alignant vers le bas la fiscalité des sociétés suisses et étrangères.
Des millions perdus
Mais pour des cantons comme Genève, Bâle ou Zurich où se concentrent les multinationales et les sociétés financières, un alignement de la fiscalité par le bas risque de leur faire perdre plusieurs centaines de millions de recettes. Les cantons ne veulent donc pas supporter seuls le coût d’un arrangement avec Bruxelles. «Il faut dès lors que la Confédération fasse elle aussi un effort pour supporter une partie du poids financier, notamment par l’impôt fédéral direct (IFD) et la réforme de la péréquation financière», dit-on à la CDF.
Yves Petignat
LE TEMPS
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