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Le taux helvétique recule au 43e rang mondial. Plus grave, la stabilité appréciée du système suisse est menacée par l’UE
Bon an mal an, c’est le même constat: l’attractivité fiscale de la Suisse pour les entreprises perd du terrain. Selon l’étude «Paying Taxes 2012», diffusée lundi par PricewaterhouseCoopers (PwC), le taux total d’imposition des personnes morales est inchangé par rapport à l’année précédente, à 30,1%. L’an dernier, ce taux avait placé la Suisse à la 41e position d’un classement de 183 pays. Elle en occupe désormais le 43e rang – le 6e en Europe. En 2007, le pays était encore 24e.
Si, année après année, la Suisse, se fait dépasser, c’est parce que son système fiscal se distingue par sa grande stabilité. «La Suisse maintient ses conditions pendant que d’autres pays les allègent», résume Armin Marti, l’un des auteurs de l’étude. Une stabilité dont on sait qu’elle est recherchée par les entreprises, mais qui se trouve précisément menacée en ce moment.
L’Union européenne vient une fois encore de demander à la Suisse de se plier à ses «règles de bonne gouvernance» en matière de fiscalité des entreprises. Et ce, d’ici mi-2012. Sans quoi, des mesures de rétorsion sont possibles, prévient Bruxelles, agacé par l’immobilisme suisse. En ligne de mire des Européens, les régimes fiscaux menant à «des distorsions de concurrence». Concrètement, l’Europe ne veut plus des régimes spéciaux accordés aux entreprises étrangères arrivantes. Pratique héritée de l’arrêté Bonny et que certains cantons, Neuchâtel et Obwald notamment, se sont déjà attelés à supprimer.
Les années à venir risquent d’être exceptionnellement incertaines. «C’est un élément qui n’est pas en faveur de la Suisse», concède Pierre-Marie Glauser, professeur de droit fiscal à l’Université de Lausanne. Celui qui est aussi associé du cabinet d’avocats Oberson confirme: certains de ses clients s’interrogent. «Le mieux, poursuit-il, ce serait une phase transitoire qui permette au système d’évoluer dans un cadre défini». Et le pire, reprend-il, serait l’introduction d’une clause de rétroactivité. «Ce n’est pas d’actualité, précise l’avocat, mais ça l’est dans d’autres dossiers fiscaux, notamment celui de la succession.»
Pierre-Marie Glauser tient à citer un autre grand atout compétitif de la Suisse. Dans le domaine moins reconnu de «la sécurité juridique», celui-ci: le «ruling fiscal». Soit la possibilité pour une entreprise étrangère, avant même de débuter une éventuelle activité en Suisse, de connaître son traitement fiscal en fonction de sa taille, de son secteur d’activité et de son statut juridique notamment. «Cet outil est très apprécié», témoigne l’avocat spécialisé.
Dans la région, explique-t-il encore, le Luxembourg propose aussi cette solution. Les Pays-Bas l’ont abandonnée et s’en sont mordu les doigts, car c’est le Luxembourg qui en a profité.
Servan Peca
LE TEMPS
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