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Le creux conjoncturel devrait déjà s’achever au milieu de 2012. Le Secrétariat d’Etat se dit toutefois conscient de la fragilité de son scénario optimiste
Entre réalisme, optimisme et précaution, le Secrétariat d’Etat à l’économie hésite. Certes, les économistes du Seco, dont les prévisions d’hiver ont été publiées mardi, ont calculé que la croissance suisse ne progressera plus que de 0,5% l’année prochaine. Soit presque deux fois moins vite que ce qu’ils avaient prévu en septembre. Certes, ils prévoient aussi que le taux de chômage passera de 3,1% en 2011 à 3,6% en 2012. Et que les exportations n’avanceront plus que de 0,4%.
Mais rien ne laisse présager un effondrement comparable à celui de la fin de 2008, rassurent les experts de la Confédération. Le Seco table ainsi sur un redémarrage progressif à partir du second semestre 2012 déjà. En 2013, le PIB pourrait avoir retrouvé un rythme de croissance de 1,9%. Ce basculement devrait être favorisé par les exportations, la demande intérieure et, dans une moindre mesure, par les investissements dans la construction. Sur le front de l’emploi, il y aura un ralentissement des embauches, mais rien n’indique non plus une dégradation rapide, positive également le Seco.
Les experts bernois ne négligent pas que «les problèmes structurels à l’origine de la crise en Europe continueront, pour une certaine période, à exercer des effets de frein». Mais dans le climat actuel, alors que les autres grands instituts de prévision ont eux aussi drastiquement revu leurs prévisions pour 2012 – UBS à 0,8%, le Kof à 0,6%, Credit Suisse à 0,5% –, le Seco souffle l’accalmie. Dans le vocable comme dans les chiffres, on est loin de «l’arrêt brutal de la croissance» évoqué en septembre dernier par la Banque nationale suisse.
Il y aura pourtant plusieurs trimestres récessifs en 2012, selon Janwillem Acket; «Si une grande partie de la zone euro est en récession, la Suisse ne peut pas être épargnée.» Ce que prévoit discrètement le Seco, le chef économiste de Julius Baer le dit haut et fort: «La phase de récession a déjà commencé.» Et de souligner la forte dégradation d’indicateurs avancés tels que l’indice des directeurs d’achat ou le baromètre conjoncturel du Kof. «Je prévois une chute de la croissance plus nette que le Seco», résume-t-il. Selon ses propres estimations, le trimestre en cours serait déjà marqué par une croissance négative. Et en 2012, le PIB suisse reculera de 0,53%.
Pourquoi de telles différences avec l’institut fédéral? «Je suis nettement moins positif quant à l’évolution de la consommation privée», détaille Janwillem Acket. Il table sur une stagnation l’an prochain, quand le Seco s’attend à une avancée de 1,1%. «Vu la hausse attendue du nombre de chômeurs, je ne vois pas comment la demande des ménages pourrait augmenter», s’interroge-t-il. Julius Baer est également beaucoup plus sombre au sujet des investissements des entreprises en 2012 (–4,9%, contre – 2,5% pour le Seco).
Aussi encourageantes soient les prévisions de Berne, elles restent très dépendantes de deux facteurs. Le premier est le taux de change. Le Seco suppose que le franc restera à 1,23 contre l’euro. Le scénario est ici plutôt fragile, convient son chef de la direction de la politique économique, Aymo Brunetti. Le second est l’évolution de la situation en zone euro. Pour que le postulat de Berne reste valable, il faut que cesse la contagion. «Il n’est pas certain que les décisions politiques de la semaine dernière constituent une solution permanente», ajoute avec précaution le responsable.
Selon lui, le scénario du pire est celui d’une crise bancaire en Europe. Le franc, les banques et les crédits aux entreprises en souffriraient, en Suisse également. «Les Européens vont tout faire pour l’éviter. Du moins je l’espère», conclut l’expert bernois.
Servan Peca
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