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Aucun nouveau cataclysme n’est à craindre, selon Francesco Trapani. La division montres et joaillerie de LVMH, qu’il dirige, a battu un nouveau record en 2011
Francesco Trapani, patron de la marque Bulgari, désormais en charge de la division montres-joaillerie de LVMH, revient sur l’exercice 2011. Une année charnière pour la famille italienne qui a cédé l’entreprise séculaire au numéro un mondial du luxe en échange de quelque 3,8% de ses actions. Soit un montant d’environ deux milliards d’euros. Il évoque aussi l’année qui débute, marquée par la volatilité et les incertitudes. Tandis que les salons horlogers genevois ouvrent leurs portes ce lundi pour une semaine, il est d’avis que la santé du luxe est autrement meilleure que celle qui prévalait en 2009, au plus fort de la dernière récession. Sa division continuera de croître en 2012, assure-t-il.
Le Temps: Quel bilan 2011 pouvez-vous tirer pour Bulgari, société que vous avez revendue l’an dernier à LVMH? Quels sont les chiffres clés?
Francesco Trapani: 2011 a constitué une très bonne année, excellente à beaucoup de points de vue. Sur les neuf premiers mois, notre croissance s’élevait à 26%, et 76% en y intégrant Bulgari. Le quatrième trimestre a été en ligne, même si la base de comparaison était plus difficile. Au final, le pôle horlogerie-joaillerie de LVMH a réalisé un exercice record. Mais je ne puis en dire plus, le groupe publiant ses résultats consolidés annuels le 2 février.
– Comment se passe l’intégration de Bulgari au sein de votre repreneur?
– Excellemment bien. Tout se déroule comme prévu. C’est surtout au niveau administratif que les changements sont visibles, car, de manière générale, les marques disposent d’une certaine autonomie opérationnelle par rapport au groupe.
– En chiffres, quelles sont les synergies?
– Il est trop tôt pour les chiffrer, mais elles sont importantes. Ne serait-ce qu’au niveau des tarifs médias. En étant intégré à LVMH, Bulgari parvient à des prix d’acquisition publicitaire plus compétitifs. D’autres économies d’échelle sont réalisées, comme au niveau des coûts de production dans la joaillerie, par exemple.
– Quelles sont les perspectives chiffrées pour 2012?
– La situation sur le marché du luxe est devenue plus floue, plus volatile. Un diagnostic qui remonte déjà au deuxième semestre 2011. Les perspectives pour l’Europe ne sont pas florissantes, avec la crise de l’endettement et les cures d’austérité qui en découlent. Cela peut avoir un impact sur notre industrie, même si les ventes dans notre secteur sont davantage liées à l’émotionnel qu’au rationnel.
– Mais à quoi faut-il s’attendre?
– Sachant que les Etats-Unis se portent bien et que l’Asie joue toujours son rôle de locomotive, j’anticipe pour mon pôle un léger ralentissement de la demande, mais pas une contraction. Ce qui signifie que l’on ne revivra pas le cataclysme de 2009. La santé du luxe est aujourd’hui incomparablement meilleure que celle qui prévalait alors.
– Quels seront les défis à venir?
– Il devient toujours plus difficile de gagner des parts de marché. L’environnement est devenu beaucoup plus compétitif, concurrentiel, avec des acteurs agressifs. A nous de sortir du lot. Il conviendra donc de s’entourer des bonnes personnes, de dénicher, recruter et garder les talents, des gens motivés, très bien formés, professionnels et avec une approche internationale.
– Quels sont les projets industriels de votre division dans un contexte de diminution des livraisons de composants de la part de Swatch Group?
– Nous investissons énormément dans nos propres capacités de production et poursuivrons cet effort à l’avenir. L’objectif est de devenir plus indépendant, même si la complète et totale indépendance n’est pas l’objectif poursuivi. Cela dit, de nombreuses activités sont déjà intégrées dans nos structures et dans nos marques, comme les boîtiers, les bracelets, les cadrans, etc., et également, dans une certaine mesure, pour les mouvements. Tant Bulgari, Hublot que TAG Heuer vont monter en puissance ces prochaines années dans la production à un niveau industriel de leurs propres calibres. Reste que nous ne visons pas une pleine et entière verticalisation industrielle.
– Allez-vous privilégier la croissance organique ou la croissance par acquisitions?
– Après l’intégration de Bulgari qui va demander encore beaucoup de travail, nous allons désormais surtout nous focaliser sur la croissance organique. Le potentiel de chacune de nos marques est encore gigantesque et ce, sur tous les marchés. Mais cela n’empêchera pas LVMH, le cas échéant, de procéder à une ou des acquisitions, si tant est que la cible fasse sens, apporte de la plus-value et que le prix reste raisonnable.
– Quid de la Chine, qui va devenir sous peu le premier marché mondial du luxe?
– Il s’agit de la toute première priorité pour Bulgari. Nous nous devons d’y renforcer notre présence et d’y augmenter notre notoriété. Cela passera par l’ouverture de cinq à six boutiques annuellement ces prochaines années. De plus, différents événements sont en cours ou prévus, comme une exposition historique de nos collections qui a déjà été présentée à Rome et à Paris. Pour l’heure, la Grande Chine, donc Macao, Taïwan, la Chine continentale et Hongkong compris, génère quelque 18% de nos ventes. Il faut accroître cette part.
LE TEMPS
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