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«Si les montres de plongée n’étaient utilisées qu’en eaux profondes, nous n’en vendrions pas beaucoup. Mais en été, sur la plage, elles s’exhibent volontiers et font toujours leur effet. » C’est en peu de mots que ce détaillant genevois de montres résume le succès que rencontre aujourd’hui ce genre de montre. Il semble alors tout aussi naturel qu’il ait été l’une des attractions majeures des derniers Salons de Bâle et de Genève, que des marques s’immergent toujours plus dans ce créneau porteur. Si la Submariner et la Sea-Dweller de Rolex restent aux yeux de beaucoup les références absolues en la matière et dominent outrageusement ce segment, la concurrence s’aiguise entre ceux qui veulent entrer ou se renforcer dans cette niche sportive et ceux qui entendent rappeler qu’ils y ont autrefois joué un rôle.
La notion même de montre de l’extrême est-elle conciliable avec la haute horlogerie? Expression ultime de la montre sportive, la montre de plongée vient en effet rappeler que l'horlogerie haut de gamme n’est pas uniquement caractérisée par la complexité de ses mécanismes ou le travail de décoration de ses mouvements, mais qu’elle se doit d’être également à la pointe en matière de recherche et de développement. Or la montre de plongée permet justement aux marques de démontrer l’étendue de leur savoir-faire et leur capacité à produire des garde-temps d’une fiabilité extrême. Car ces garde-temps résistent à des pressions phénoménales et affichent une résistance exceptionnelle, notamment aux chocs.
Pour joindre les actes à la parole, Jaeger-LeCoultre a convié récemment la presse spécialisée à une vérification in situ, au large de Hawaï, de la résistance de ses nouveaux modèles de plongée. Alors que les surpressions sont d’ordinaire testées en laboratoire, la manufacture du Sentier a utilisé un robot pour immerger l’une de ses montres à plus de 1000 mètres et démontrer qu’elle résistait à la pression qui avoisine les 100 kg au cm²! Une pression qui anéantit toute montre ordinaire ou tout objet de la vie quotidienne. A lui seul, le verre de quelque 4 cm de diamètre et de 3,6 mm d’épaisseur supporte le poids d’une petite voiture (près de 900 kg). La nouvelle collection Master Compressor Diving – disponible à l’automne – comprend une GMT et un chronographe, tous deux proposés dans un boîtier de 44 mm en titane garde 5, étanche à 1000 mètres. Si elle n’est étanche «qu’à 300 mètres», la Master Compressor Diving Pro Geo se singularise par son boîtier de 46,3 mm doté d’un profondimètre mécanique inédit – objet d’un dépôt de brevet – permettant de mesurer des profondeurs de 0 à 80 mètres.
Si les montres de plongée dotées d’un mouvement mécanique ne peuvent rivaliser dans leurs fonctionnalités avec les instruments électroniques utilisés aujourd’hui en milieu subaquatique, qu’importe. Elles demeurent un accessoire essentiel aux yeux de nombreux plongeurs professionnels qui voient en leur garde-temps mécanique une soupape de sécurité bien- venue en cas de défection de leur matériel de base.
Critères exigeants
L’appellation «montre de plongée» répond à des critères définis par la norme NIHS 92-11 (ISO 6425), ayant trait notamment à la luminosité, à la résistance aux chocs et aux champs magnétiques ainsi qu’à la solidité du bracelet. Ces montres doivent au minimum résister à la plongée à une profondeur de 100 mètres, mais beaucoup d’entre elles affichent des performances bien supérieures, jusqu’à 11 100 mètres dans un cas extrême! Lunette tournante unidirectionnelle, verre particulièrement robuste et affichages fluorescents visibles dans l’obscurité sont également le standard de la montre de plongée. A cela s’ajoutent, selon les cas, une soupape pour l’élimination de l’hélium, un indicateur des paliers de décompression et de la durée des temps d’arrêt, un profondimètre ou même une alarme annonçant le moment de la remontée.
Pour résoudre la problématique de l’étanchéité, les horlogers ont mené leurs recherches sur les points sensibles que sont la fixation du verre, le fond de boîtier et la couronne (pièce qui active la tige de mise à l’heure et le remontage). Dans les deux premiers cas, l’étanchéité peut être garantie par des joints fortement comprimés. Il n’en va pas de même pour la couronne, qui doit être actionnée régulièrement et nécessite plus qu’un simple joint.
L’invention de la couronne «vissée» en 1926 par Hans Wilsdorf, fondateur de Rolex, a permis de créer la première montre véritablement étanche. Ce fut l’acte de naissance de la légendaire Oyster. Rolex sera par la suite à l’origine de plusieurs innovations qui lui assureront le leadership incontesté dans ce segment, alimenté notamment par le lancement de la première montre de plongée grand public, la Submariner, en 1953, suivi en 1971 de celui de la version plus professionnelle, la Sea-Dweller (1971), sans parler du modèle Deep Sea Special qui descendit à 10 916 mètres de profondeur dans la fosse des Mariannes en 1960.
Réédition de modèles d’époque
Les années 1950 et 1960 ont été particulièrement fécondes en montres de plongée, et de nombreux modèles d’époque se retrouvent – dans des versions évoluées – dans les catalogues actuels. Rolex Submariner (1953), Blancpain Fifty Fathoms (1953), Omega Seamaster (1957), Breitling Superocean (1957), Panerai Luminor 1950, Vulcain Nautical (1962), Jaeger-LeCoultre Memovox Deep Sea (1959) et Polaris (1963).
A l’image de Breitling, qui lance cette année une réédition de sa Superocean de 1957, de nombreuses marques ont présenté ce printemps de nouvelles montres de plongée. La Superocean Héritage de Breitling est, comme à l’époque, étanche à 200 mètres, dotée d’une lunette tournante unidirectionnelle et équipée d’un mouvement mécanique certifié chronomètre COSC.
Retour aux sources
Avec sa Legend Diver, Longines réédite également cette année un modèle d’époque, tandis que Blancpain lance une collection complète – une automatique avec un nouveau mouvement manufacture, un chronographe et un tourbillon – inspirée de sa fameuse Fifty Fathoms qui accompagna les nageurs de combat français dès 1953. Même filiation historique avec les nageurs de combat, mais en Italie cette fois, pour Officine Panerai qui vient de lever le voile sur la nouvelle Luminor 1950 Submersible Depth Gauge, un modèle doté d’un mouvement mécanique couplé à un profondimètre électronique.
A Schaffhouse, IWC poursuit son soutien à la Cousteau Society en proposant une nouvelle édition limitée de 2500 pièces de son chronographe Aquatimer Cousteau Divers qui se singularise par sa lunette tournante intérieure. Qu’elles soient portées en eau profonde ou sur la plage, ces nouvelles plongeuses sont déjà les vedettes de l’été. Pour celles qui peuvent être livrées!
Bilan / Michel Jeannot |