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Le groupe genevois projette l’extension de son site à Meyrin en 2013, des travaux de 10 à 15 millions. Son coprésident, Karl-Friedrich Scheufele, revient sur l’année écoulée à quelques jours de l’ouverture du salon Baselworld
Baselworld, le plus important salon horloger du monde, ouvre cette semaine à Bâle. Au sortir d’une année exceptionnelle pour le secteur, le point avec le coprésident de Chopard, entreprise qui a engagé 150 personnes l’an dernier.
Le Temps: Dans un contexte de résultats record pour l’horlogerie suisse, comment s’est passée l’année 2011 pour Chopard?
Karl-Friedrich Scheufele: C’était un millésime très satisfaisant pour notre groupe familial, qui est actif aussi bien dans l’horlogerie que dans la joaillerie. L’exercice a toutefois été marqué par de très nombreux défis, comme la fluctuation des devises, l’envol des prix des matières premières, or en tête, et les incertitudes liées à la crise de la dette souveraine en Europe. Facteurs auxquels s’ajoute encore un ralentissement de l’économie mondiale. Au final, à taux de change constants, Chopard a enregistré une croissance de ses ventes de 15%. On ne peut donc pas se plaindre en dépit de la survalorisation du franc - ndlr: selon des estimations du Temps , le chiffre d’affaires s’élève à environ 750 millions de francs.
– Etait-ce une année record?
– Nous ne sommes pas tout à fait revenus au niveau de 2008, mais on s’en approche. Ce qui me rassure et m’encourage, c’est que 2011 a été une année bien plus saine, plus représentative et significative qu’il y a trois ans, au plus fort de la bulle horlogère, période de tous les excès.
– Une croissance portée par la Chine?
– Bien sûr, cela devient une évidence, mais pas seulement. Chopard n’en néglige pas pour autant les autres marchés traditionnels. On se doit de les servir aussi. J’ai un peu l’impression que notre industrie se laisse emballer par la croissance chinoise. Cela m’inquiète quelque peu. A terme, il y a pourtant le risque d’assister à un ralentissement dans ce pays qui ne doit pas être écarté. Bien sûr que notre groupe profite aussi de cette manne, mais il convient de rester sage. C’est du moins notre approche.
– De nouveaux points de vente en propre l’an dernier?
– Oui. Dans la Grande Chine, soit Hongkong et Macao compris, notre réseau comporte désormais vingt boutiques. Ailleurs, nous en avons construit onze nouvelles et rénové ou agrandi une quinzaine, détenues en propre ou franchisées, sur les bases de notre nouveau concept de magasins. Pour cette année, plusieurs nouvelles ouvertures sont prévues partout dans le monde. Avec comme point d’orgue, peut-être, l’extension de notre boutique genevoise de la rue du Rhône, qui gagnera un étage entier et sera inaugurée en deuxième partie d’année. Au total, notre réseau compte aujourd’hui 131 boutiques. Les autres points de vente, donc le réseau de détaillants, sont restés stables, à environ 1500.
– Votre projet de site de production d’ébauches à Fleurier (NE) est-il à bout touchant?
– Oui, les travaux sont presque terminés et la production a d’ailleurs déjà commencé. En plus des 4500 mouvements L.U.C. - ndlr: pour Louis-Ulysse Chopard, fondateur de la marque en 1860 - cette année, nous devrions produire quelque 5000 mouvements Chopard destinés à nos diverses collections. Nous disposons de trois calibres «in house» de base, émanant de notre nouveau site du Val-de-Travers. Par rapport à Chopard Manufacture, l’approche est différente.
– C’est-à-dire…
– Elle est très industrielle et nécessite encore davantage de planification et une gestion logistique optimisée. Nous avons presque dû apprendre un nouveau métier. C’était très enrichissant intellectuellement. Une partie des nouvelles collections présentées à Baselworld, qui commence le 8 mars, sera équipée de ces produits. A court terme, dans deux à trois ans en fait, nous escomptons parvenir à une production annuelle de 15 000 à 20 000 pièces. D’ici à la fin de l’année, pour accompagner cette montée en puissance, nous devrions parvenir à un effectif total de 180 personnes pour nos trois sites à Fleurier. Donc, entre 25 et 30 postes sont à pourvoir actuellement.
– Cette hausse des effectifs est-elle généralisée à l’ensemble de l’entreprise?
– En effet. Au niveau du groupe, nous avons créé l’an dernier 150 emplois, soit une progression de près de 10% d’une année à l’autre. Tous sites confondus – soit Meyrin (pour les montres et la joaillerie), Fleurier (calibres maison et montres haute complication) et Pforzheim en Allemagne (bijouterie), ainsi que dans nos diverses filiales à l’étranger – le groupe emploie désormais 1965 personnes. Rien qu’à Meyrin, ce sont 70 nouveaux postes de travail qui ont vu le jour l’an dernier. Au total, production et distribution comprises, nous avons investi 50 millions de francs. Et Chopard va d’ailleurs à nouveau investir 50 millions de francs dans ses capacités cette année.
– Il n’y a donc jamais de répit…
– En tant qu’entreprise indépendante et familiale – et nous tenons à le rester à tout prix – nous nous devons de préparer l’avenir et surtout de ne pas nous reposer sur d’éventuels lauriers. L’avenir se prépare et s’anticipe maintenant. D’ailleurs, Chopard projette déjà l’extension de son site de Meyrin. Il est prévu l’an prochain d’ériger un nouveau bâtiment dernier cri destiné à la fabrication des boîtiers en or, un peu à l’image de ce qui a été fait pour ceux en acier il y a cinq ans. La décision de principe a été prise et nous en sommes au stade des autorisations. Il pourrait s’agir d’un investissement de 10 à 15 millions de francs pour la construction. Il n’est pas exclu que cela aboutisse à de nouvelles créations d’emplois, qu’il est cependant pour l’heure prématuré de chiffrer.
– Un petit mot sur le pôle bijouterie-joaillerie, dirigé par votre sœur Caroline, également chargée de l’horlogerie féminine…
– 2011 a clairement été une année horlogère. La joaillerie se porte bien, mais n’a pas enregistré les mêmes croissances. Le potentiel de ce secteur demeure toutefois incroyable, notamment en Asie. Mais, pour l’heure, la demande de ce continent se focalise un peu plus sur les produits horlogers. Ainsi, notre pôle horloger a grignoté quelques points de pourcentage par rapport à la bijouterie. Mais certaines années, ce fut l’inverse. Nous avons beaucoup de chance de posséder ces deux activités très fortes, ce qui est assez rare dans le monde du luxe. Reste que l’horlogerie jouit encore d’un énorme potentiel, ne serait-ce qu’en pensant aux marchés émergents, qui vont continuer de bourgeonner ces prochaines années.
– A quoi vous attendez-vous pour 2012?
– Il pourrait s’agir d’un exercice assez similaire au précédent, également truffé de défis. Il faudra être prêt à faire des ajustements à court terme. Si l’année a bien commencé, il est prématuré de faire des projections sur l’ensemble de l’exercice en raison des nombreux points d’interrogation qui subsistent. La situation européenne n’est ainsi pas sans effets sur la Chine. Après Baselworld, nous disposerons de davantage de visibilité. L’un dans l’autre, c’est plutôt un optimisme prudent qui prévaut.
Bastien Buss
LE TEMPS
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