Citizen, entreprise japonaise, veut sa part du gâteau horloger suisse haut de gamme
 
Le 06-03-2012

Le groupe s’empare de trois sociétés chaux-de-fonnières. Prototec, La Joux-Perret et la marque Arnold tombent dans son giron

Les grandes manœuvres horlogères se poursuivent. Une fois n’est pas coutume, c’est une entreprise japonaise qui est venue faire ses achats en Suisse. Ainsi, la société nippone Citizen Watch, active essentiellement dans les montres milieu de gamme, va acquérir la holding chaux-de-fonnière Prothor, selon un communiqué de presse diffusé lundi. Cette dernière chapeaute trois entités certes petites mais stratégiques, à savoir le fabricant de mouvements horlogers La Joux-Perret, le fabricant de composants Prototec ainsi que la marque Arnold & Son. Au total, cette triplette emploie 160 collaborateurs dans la cité horlogère.

Si le montant de la transaction n’apparaît pas dans le communiqué, Citizen Holding, propriétaire des montres homonymes, a toutefois dû en dire plus en raison des contraintes boursières liées à sa cotation sur le Tokyo Stock Exchange. Le groupe évoque dans ce document un prix d’acquisition de 64,6 millions de francs. Prothor, toujours selon ce texte, a réalisé des ventes d’un peu moins de 40 millions de francs l’an dernier. Dont près de 5 millions de francs pour la marque Arnold, a précisé au Temps Frédéric Wenger, directeur général de La Joux-Perret et actionnaire de Prothor, qui conservera par ailleurs son poste après l’opération.

Pour comparaison, Citizen, également actif dans l’industrie des machines et l’électronique, génère des ventes de 2,8 milliards de francs. Le pôle horlogerie pèse à lui seul 50% du chiffre d’affaires. Il dégage donc plus de ventes que ses concurrents nippons directs Casio et Seiko et davantage aussi que des groupes suisses comme Patek Philippe ou Chopard. Dans une étude de Vontobel – sur la base du chiffre d’affaires 2010 –, Citizen se classait au quatrième rang mondial des sociétés horlogères, derrière Swatch Group, Richemont, Rolex et LVMH, avec une part de marché de 5%.

Grâce à la puissance de feu de l’acquéreur, «cette transaction va permettre à La Joux-Perret de poursuivre son développement et de renforcer sa position dans le secteur des mouvements mécaniques», a ajouté Frédéric Wenger. La société, qui produit quelque 50 000 mouvements et modules par an, continuera de livrer ses clients tiers en Suisse. Elle pourra aussi devenir plus indépendante de Swatch Group au niveau des spiraux, composants clés, dont Citizen maîtrise la technologie pour ses mouvements Miyota.

Du «Swiss made» japonais

Etape stratégique majeure pour Citizen, l’opération lui permet aussi d’entrer de plain-pied dans le «Swiss made». «Nous utiliserons des mouvements produits par La Joux-Perret pour les collections «Swiss made» de nos propres marques et de celles sous licence …]», a fait savoir Mikio Unno, président de Citizen Watch.

On connaissait jusqu’ici les investisseurs chinois qui rachetaient des marques horlogères suisses (comme Milus) ou en lançaient de nouvelles depuis la Suisse, telle Codex, il faudra désormais s’habituer à des montres japonaises avec une motorisation haute de gamme helvétique. Citizen ne cache d’ailleurs pas ses ambitions, directement ou non liées à l’assise industrielle suisse: «Nous pensons qu’il est vital pour nous d’entrer dans l’horlogerie haut de gamme afin de faire croître nos activités.» Au-delà de cette manne, Arnold & Son sera en outre sa première marque de haute horlogerie et de complications suisse. En plein débat sur le «Swiss made» renforcé (lire ci-dessous) et à l’avant-veille de l’ouverture officielle de ­Baselworld, cette redistribution des cartes fera sûrement beaucoup parler dans le landerneau.

Bastien Buss

[LE TEMPS

 

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